Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/285

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preuve, c’est que nous ne voyons pas l’obscurité derrière nous. Il est vrai que l’obscurité n’est rendue visible que par la faible lumière qui en vient vers nous ; et les physiciens, pour supprimer l’obscur de la nature, peuvent dire qu’il n’est que cette faible lumière : l’obscurité, comme le froid est un terme tout relatif ; mais, d’abord, le froid même n’est pas complètement relatif ; il correspond, dans l’organisme, à un mouvement précisément inverse à celui du chaud ; dans celui-ci, il y a acquisition d’énergie ; dans celui-là, perte d’énergie ; et l’on pourra dire que le froid sera absolu dans l’ordre de la vie quand la quantité de chaleur sera insuffisante à entretenir un seul vivant. Et qui nous assure, dès lors, que ce fait si grave ne se marque point dans l’état cosmique ? Est-ce que nous connaissons le milieu où se propagent la chaleur et la lumière ? Il ne s’est manifesté à nous que par les mouvements calorifiques lumineux ou chimiques, et il n’existe pour nous que par ces mouvements ; mais n’existe-t-il point aussi à l’état de repos ? ou, du moins, à l’état de repos relatif ? Les mouvements qui s’y propagent n’utilisent jamais qu’une portion de son énergie, puisqu’ils peuvent, dans une même région de l’éther, devenir beaucoup plus abondants et beaucoup plus intenses. Mais la partie d’énergie que ces mouvements n’utilisent pas n’est-elle cependant modifiée en rien par eux et n’a-t-elle aucune action sur eux ? De ce que la sensation d’obscurité est excitée en nous par une très faible clarté, il ne suit pas du tout qu’elle soit la sensation d’une très faible clarté ; mais elle peut correspondre à un état spécial du nerf optique, dont les énergies au repos sont justement assez stimulées pour que le repos même devienne sensible à la conscience. Qui dira qu’il n’y a pas dans le milieu cosmique un état analogue