Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/293

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jaillir une flamme d’intelligence passionnée, éclatante et chaude ; l’intuition du regard doit être plus profonde et plus joyeuse, lorsqu’en lui c’est l’esprit qui voit.

Aussi bien la science ne peut-elle tirer aucun secours pour ses recherches propres de ces pures et profondes intuitions du regard intelligent ? S’il était démontré que le rouge c’est la lumière vue à travers l’obscurité, et le bleu l’obscurité vue à travers la lumière, est-ce que cette indication ne serait point précieuse à ceux qui chercheraient à la source même de la lumière, au conflit originel de l’éther et de la matière, le secret des couleurs diverses mathématiquement contenues dans la lumière blanche ? Est-ce que pour démêler la constitution même des matières colorées, le rapport précis de leurs molécules aux rayons lumineux qui viennent les frapper, une définition préalable des couleurs ne serait point de grand secours ? En fait, la pensée de Gœthe s’est trouvée plus vraie sur bien des points, qu’elle ne pouvait le paraître à de purs newtoniens. Quand il protestait contre les globules, contre une théorie grossière qui matérialisait la lumière, son secret instinct et sa délicatesse artistique ne l’ont-ils point servi ? La théorie de l’émission a été remplacée par celle de l’ondulation ; les molécules en mouvement comme de petites balles ont été remplacées par des ondes qui se propagent, c’est-à-dire par des mouvements, ce qui est plus immatériel. De plus, il n’avait peut-être pas tort d’affirmer l’unité de la lumière et de s’indigner presque qu’on la morcelât. Car, comment faut-il entendre la composition de la lumière blanche ? Elle n’est pas un faisceau des diverses couleurs juxtaposées ; on admet, que dans une ligne mathématique, tous les éléments de la lumière blanche sont contenus ; la lumière réduite à un rayon