Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/294

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strictement linéaire se décomposerait, au contact du prisme, en un spectre complet allant des ondes chimiques les plus courtes aux ondes calorifiques les plus lentes, en passant par les nuances innombrables de couleurs du violet au rouge ; les ondes diverses, en nombre infini, sont considérées comme superposées, et comme se propageant dans la même direction avec la même vitesse à travers l’espace éthéré ; cette superposition d’un nombre infini de mouvements distincts dans un rayon linéaire, est-elle représentable à l’imagination ? Est-elle l’expression saisissable de la réalité, ou seulement un symbole commode d’un phénomène inconnu, adapté, selon des relations mathématiques, au phénomène constaté de la dispersion ? Il ne nous appartient pas de le dire ; il apparaît bien cependant que c’est là une composition d’un ordre spécial. Quand les sept couleurs, sur un disque tournant, me donnent la sensation de blancheur, il n’y a pas simplement dans ma conscience superposition de sept sensation différentes : il y a une sensation unique, un acte de conscience déterminé ; et il est probable que cet acte de conscience simple correspond à un acte organique simple aussi, quoiqu’il y entre une multiplicité d’éléments. En réalité, la molécule lumineuse est animée d’un mouvement unique, qui est la somme des mouvements particuliers ; mais la somme d’une infinité de mouvements est-elle possible ? Tout ce qu’on peut se représenter, c’est un mouvement déterminé, susceptible de se diversifier indéfiniment. La simplicité n’exclut pas la multiplicité ; il faut seulement que cette multiplicité, au lieu d’être simplement juxtaposée, soit harmonisée en un système un : ce qui est vrai du moi conscient et de l’organisme qu’a fait le monde ne serait-il pas vrai du monde lui-même,