Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/330

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des formes subjectives, parce qu’ils ne sont point le produit d’une activité spontanée, c’est-à-dire intellectuelle. Je veux citer, sur ce point décisif, les paroles mêmes de Kant, qui n’ont pas été, il me semble, assez remarquées. Il dit, en parlant plus particulièrement du temps, qui comprend déjà, comme condition formelle de la représentation, des rapports de succession, de simultanéité, et du successif à ce qui est simultané, ou du permanent : « Or, ce qui, comme représentation, peut précéder toute action de la pensée d’un objet, est l’intuition, et si cette intuition ne contient que des rapports, elle n’est plus que la forme de l’intuition, forme qui, puisqu’elle ne représente rien qu’autant qu’il y a quelque chose dans l’esprit, ne peut être que la manière dont l’esprit est affecté par sa propre activité, c’est-à-dire par le fait même de sa représentation, par conséquent par lui-même, ou un sens intime quant à sa forme. Tout ce qui est représenté par un sens est toujours, à ce titre, un phénomène. Un sens intime devrait donc n’être point reconnu, ou bien le sujet, qui en est ici l’objet même, ne pourrait être représenté par ce sens que comme phénomène, et non comme il se jugerait lui-même, si son intuition était simple spontanéité, c’est-à-dire intellectuelle. » Et, un peu plus loin, il dit : « Le mode d’intuition de l’espace et du temps appartient à la sensibilité, par la raison, précisément, que l’intuition est dérivée, intuitus derivativus, et non primitive, intuitus originarius. » « Elle n’est donc pas non plus intellectuelle, comme celle qui semble appartenir, d’après ce que je viens de dire, à un être indépendant, à l’être suprême seulement, intuition qui n’est jamais le partage d’un être dépendant quant à son existence et à son intuition,