Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/337

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ture. D’autre part, la conscience, avec son unité, apparaissant comme la condition universelle de toute connaissance quelle qu’elle soit, l’entendement que cette unité enveloppe aura aussi une valeur universelle. Ainsi la conscience, avec son unité primitive, est le foyer originel de toute connaissance. Les lois de l’entendement sont les rayons de ce foyer, et la diversité sensible qui ne peut exister, comme représentation, que dans la lumière émanée de la conscience une, est bien obligée de se manifester suivant ces rayons, c’est-à-dire de s’ordonner suivant ces lois. La lumière qui jaillit de la conscience une n’est point une lumière glacée et morte, c’est une lumière vivante et ardente, qui transforme le monde et l’assimile en l’éclairant. Kant a insisté sur le rôle de l’imagination productrice, puissance intermédiaire entre l’entendement et la sensibilité. C’est elle qui opère une synthèse aveugle et préalable des éléments sensibles dispersés, et cette synthèse est conforme aux exigences de l’entendement. Ainsi, dans la pensée de Kant, le monde sensible, tel qu’il se déroule pour nous, est l’œuvre incessante de l’imagination productrice, ordonnant les matériaux de la sensation selon les exigences de l’entendement, et les soumettant par là à l’unité primitive et supérieure de la conscience. Je ne répugne point, pour ma part, à cette théorie grandiose, qui fait de la conscience servie par la pensée la régulatrice du monde. Je prétends, au contraire, que la doctrine que j’ai exposée sur la réalité du monde et sur sa vérité, est celle qui se prête le mieux à la grandeur de la pensée kantienne, car, d’abord, nous avons, au fond de tous les éléments sensibles, dans le son et la lumière, dans le mouvement comme dans l’espace, saisi des idées, et, si j’ose dire, une matière intelligible. Or,