Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/338

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cette matière d’idées ne se prête-t-elle pas mieux que toute autre aux plus vastes synthèses de la pensée, aux plus hautes exigences de l’entendement ? De plus, comme je l’ai dit souvent, et comme il faut le répéter ici : l’être que nous avons démêlé, et comme senti en toute chose, n’est pas une abstraction morte ; il est l’être, et par cela seul qu’il est l’être, il enveloppe dans sa plénitude l’infini. Et par cela seul qu’il est l’infini, il ne peut persévérer dans l’être sans un besoin d’infini, c’est-à-dire d’unité infinie, car il ne peut trouver l’infini vrai que dans l’unité. Cette unité, pour être vivante et pleine, pour manifester et réaliser toutes les possibilités de l’être, doit être l’unité infinie de la diversité infinie. Voilà pourquoi l’être universel se diversifie à l’infini pour organiser cette diversité illimitée en une croissante et joyeuse unité dirigée vers l’infini. Mais qu’est-ce donc que la conscience, sinon un besoin d’unité et une anticipation d’unité ? Avant que toutes les parties de l’être puissent se pénétrer dans une connaissance distincte qui les relie dans une sorte de continuité intellectuelle, avant qu’elles puissent être liées d’une manière plus intime par une réciprocité d’amour, la conscience une qui les perçoit, les ramasse et les rassemble dans une préalable unité. Lorsque je vais dans les sentiers des champs, méditant, rêvant et regardant, ma conscience ouverte à tout accueille, dans une unité confuse et douce, le rayon de l’astre lointain, le murmure caché de l’insecte, le frisson des feuilles tremblantes, et des souvenirs remués. Ah ! il y aura, un jour, entre toutes ces choses des liens explicites, mais en attendant ma conscience est bien, comme je le disais tout à l’heure, une anticipation sublime d’unité. Et il en est de même de toutes les consciences quel que soit leur degré. Elles