Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/397

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activité pensante. Mon cerveau tel que je me le figure, ou tel que je le détermine, en faisant, avec ma main, le tour de ma tête, n’est en réalité qu’une des innombrables images que produit mon cerveau, considéré comme puissance de sensation, d’imagination et de pensée. Lorsque Schopenhauer dit : « Le ciel paraît immense et le cerveau paraît bien petit. Et pourtant, le ciel immense est contenu dans le cerveau, » il veut nous montrer le prodige d’illusion qui est en nous ; mais il ne fait à la lettre qu’un jeu de mots, car ce n’est pas dans le cerveau perceptible et mesurable et dont je dis qu’il est petit, que le ciel immense est contenu, car ce cerveau-là n’est qu’un objet de perception et d’imagination, comme le ciel lui-même. C’est une image juxtaposée à l’image plus vaste du ciel. Et dire que le ciel tout entier tient dans le cerveau ainsi considéré, c’est dire qu’une image immense est contenue dans une image du même ordre, mais plus petite, qui lui est juxtaposée. Je vois un homme qui regarde le ciel et je me dis : Le ciel illimité et rayonnant tient tout entier dans la tête étroite et obscure de cet homme. Pas du tout, car la tête de cet homme n’est pour moi, comme le ciel même, qu’un objet de perception. Elle correspond à un certain ébranlement de ma substance cérébrale, et le ciel à un ébranlement beaucoup plus vaste. Et dire que le ciel est contenu dans cette tête, c’est comme si je disais qu’il est contenu dans une quelconque des étoiles sans nombre dont il est semé. Ce qu’il faut dire, c’est que, dans l’étroite enceinte du cerveau, est renfermée assez d’activité pour que l’ébranlement de cette activité cérébrale puisse fournir à la conscience l’image immense du ciel étoilé. Mais cette proposition n’a un sens qu’à condition que l’image du ciel immense et l’image du