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Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/398

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cerveau tout petit soient déjà données. C’est seulement parce que je vois le ciel et le cerveau, et le ciel beaucoup plus vaste que le cerveau, que je conçois la prodigieuse activité de la force inconnue qui, enfermée dans les limites étroites du cerveau, produit cependant la représentation immense du ciel. Si je dis que la représentation du ciel est absolument vaine, subjective et illusoire, je suis obligé de dire que la représentation du cerveau, qui m’est donnée en même temps et de la même manière, est vaine aussi, subjective et illusoire, et je ne pourrai rien conclure du rapprochement de ces deux représentations également vides. Mais je considère que la représentation du cerveau n’est point vaine et vide, puisque je déclare que c’est dans les limites de cette capacité cérébrale que s’exerce l’énergie mystérieuse qui développe, pour la conscience, l’immensité de la représentation céleste. J’estime donc que l’image sensible que j’ai du cerveau enveloppe de la force, de l’activité. Et c’est seulement à cette condition que le paradoxe de Schopenhauer a un sens. Mais, dès lors, pourquoi n’y aurait-il pas aussi de l’énergie, de la force sous la représentation que j’ai de l’univers, comme sous la représentation que j’ai du cerveau et qui est du même ordre ? L’image sensible du cerveau occupe une toute petite place dans le champ de la vision ou de la perception. Le reste, c’est-à-dire le champ de perception presque tout entier, est ce que nous appelons le monde. Et si nous supposons, avec Schopenhauer, qu’il y a une activité presque infinie dans cette toute petite partie du champ de perception qui correspond à l’image sensible du cerveau, pourquoi n’y aurait-il pas aussi de l’activité, de l’énergie dans toute l’étendue du champ de la perception ? Ainsi, d’aucune façon et en quelque