Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/403

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au cerveau, sans équivoquer d’une manière lamentable sur le sens du mot moi et sur le sens du mot cerveau. Pour M. Georges Lyon, le moi, c’est tantôt le moi individuel et fini, tantôt le moi impersonnel infini et absolu. Pour Schopenhauer, le cerveau c’est tantôt le cerveau énergie et tantôt le cerveau représentation. L’équivoque, ou pour mieux dire le sophisme, est le même dans les deux cas. Il consiste, en somme, à ramener l’infini au fini, mais en ayant soin de mettre au préalable, et d’une manière subreptice, l’infini dans le fini. M. Georges Lyon ramène tout l’être, c’est-à-dire l’infini, au moi ; mais il fait d’abord de ce moi une activité créatrice absolue qui est l’être même. Schopenhauer ramène l’univers illimité au cerveau chétif ; mais il se sert de cette vision même de l’univers illimité pour saisir dans le cerveau une énergie productrice illimitée aussi, l’être, l’infini. Voilà notre première constatation.

La seconde, c’est qu’en fait, c’est par l’infini de la conscience, de l’étendue et de l’être que s’expliquent les formes particulières et finies de la conscience, de l’étendue et de l’être. Notre moi individuel ne pourrait ni exister, ni se comprendre, s’il ne touchait par son fond au moi absolu qui le soutient et qui l’explique ; car, que serait une conscience qui ne serait pas en son fond la conscience, et que seraient les formes particulières de l’unité si l’unité n’était pas et si elles n’étaient pas en quelque mesure cette unité ? Ainsi, dans l’ordre de la conscience et du moi, c’est l’infini qui explique le fini ; et nous avons vu de même que, dans l’ordre de l’étendue, l’espace est antérieur au cerveau et explique le cerveau. Or, l’espace est une expression de l’être et de l’infini.

Donc, quelque effort que nous fassions après avoir