Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/404

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parcouru l’être du dehors dans le mouvement, dans la sensation, dans l’espace, pour nous enfermer dans l’intimité du moi, et pour abstraire le problème de la conscience de tout autre problème, nous sommes toujours rejetés par un invincible ressort vers l’être, vers l’infini, vers l’absolu. Nous nous circonscrivons dans notre cerveau, il n’est intelligible que par l’espace ; nous nous replions dans notre conscience, elle n’est intelligible et vivante que par la conscience absolue. Nous sommes comme des plongeurs que le ressort de l’eau ramène obstinément à la surface, à la lumière infinie du ciel ; ou plutôt, plus nous essayons d’approfondir notre moi, plus nous y découvrons l’absolu ; et ne pouvant comprendre notre moi que par lui, nous ne pouvons faire de notre moi, comme nous l’avions désiré d’abord, le centre exclusif de nos recherches dernières. Ne nous étonnons point d’échouer dans cette tentative, car elle va contre la force des choses et contre la vérité. Si le subjectivisme pouvait être pratiqué comme méthode, il serait vrai comme doctrine. S’il était possible un moment de s’enfermer dans le moi et de se comprendre soi-même, il serait impossible à jamais de sortir du moi. Il est bien vrai que Descartes semble s’être servi de la méthode subjectiviste, pour aboutir à des conclusions réalistes ; mais cette contradiction de la méthode et de la doctrine l’eût empêché de faire un pas et il se fût débattu éternellement dans le premier chapitre des Méditations, s’il n’avait laissé en réalité hors de lui-même les principes de la raison, comme le principe de causalité, qui lui permirent bientôt de sortir de soi. Il conclut de l’existence de l’idée d’infini en lui à la réalité d’un être infini hors de lui, cette idée devant avoir une cause adéquate ; mais si on lui avait dit : de