Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/428

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objectent tout de suite que toute conscience suppose un système cérébral et qu’on ne voit pas trop comment une planète, la terre par exemple, arriverait à avoir un système cérébral et nerveux ; ils sont dupes d’une illusion et d’une imagination assez grossière. D’abord ils oublient que tous les vivants qui se développent dans la sphère terrestre sont en un certain sens des fils de la terre ; les hommes sont des fils de la terre. Des relations innombrables, la pesanteur, l’électricité, le magnétisme, la chaleur, la lumière, les sons, les parfums unissent à la terre et à la vie terrestre tous les cerveaux humains ; ils sont imprégnés de la terre, et la sphère terrestre est imprégnée du rayonnement invisible encore de leur pensée, de leur vouloir, de leur rêve. Ainsi, les cerveaux humains et la terre, par filiation et par harmonie, forment un système un ou, tout au moins, un commencement de système et d’organisation. Et si ces cerveaux, développant leur action magnétique et leur lucidité, arrivent à saisir, jusque dans les profondeurs inconnues de la terre, le tressaillement de toutes les forces en y mêlant l’énergie de leur vouloir et la lumière de leur pensée, ils seront vraiment les cerveaux de la terre. De plus, si tous ces cerveaux humains communiquent entre eux sans effort, s’ils mettent aisément en commun, sans se confondre, leurs pensées, leurs émotions, leurs décisions à travers l’espace tout ardent de vie spirituelle, la vie consciente de la terre ne sera point localisée en un tout petit organe cérébral ; mais, de même que la terre est enveloppée d’une atmosphère de vie, elle sera enveloppée d’une atmosphère de pensée, qui, pénétrant en ses profondeurs, communiquera la conscience à toutes ses forces et créera vraiment l’unité vivante de la planète. Alors le moi individuel s’appa-