Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/432

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vue de la conscience absolue, nous devenons extérieurs à nous-mêmes ; et notre moi individuel ne nous apparaît plus que comme une des innombrables formes contingentes, en qui la conscience absolue peut se déterminer.

Kant a montré, avec une incomparable puissance d’analyse, que la conscience empirique suppose la conscience a priori, que les différents éléments de notre moi, avant d’être reliés les uns aux autres par des relations empiriques de similarité, de succession, de contraste, etc., doivent être réunis en une synthèse préalable de conscience. M. Lachelier a montré aussi que la vraie psychologie, c’est la métaphysique, et que le moi individuel ne pourrait se saisir et se comprendre lui-même, s’il n’y avait, suivant son expression, une conscience intellectuelle. Il est inutile de refaire ces démonstrations, et je n’ai rien à y ajouter. Mais ce n’est pas la conscience en elle-même que nous étudions ici : c’est la conscience dans son rapport avec la réalité du monde ; et, de plus, il nous a paru qu’il était impossible, même pour étudier la conscience, de la séparer du monde, et que ces mots mêmes de moi, de conscience, n’avaient pas de sens pour nous, si nous n’acceptions en même temps la manifestation de l’être dans l’ordre de l’étendue. Dès lors, nous devons nous demander si cette conscience absolue qui enveloppe et soutient notre moi individuel, si ce moi transcendantal dont parle Kant, ou cette conscience intellectuelle dont parle M. Lachelier, sont liés à un organe. Déjà, nous avons vu que le moi individuel, tout en étant lié à l’organisme, était plus vaste que lui, et que le cerveau, tout en faisant partie du système du corps, était plus vaste que le corps. Maintenant, la conscience absolue dépasse--