Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/436

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et la conscience ne sont qu’un, puisque l’être ne peut se déployer sans prendre possession de soi et sans éclairer pour lui-même ses profondeurs, et puisque, d’autre part, la conscience absolue n’est pas une unité purement formelle et inerte, mais qu’elle s’exprime par la transparence vivante de la clarté. De même le son, exprimant les individualités en qui l’être absolu se détermine, tient au fond même de l’être, et, dans le son aussi, l’être apparaît comme identique à la conscience, puisque ce qui fait l’être du son, c’est qu’il traduit l’intimité des consciences, ou ce qui, dans les forces brutes, est comme un commencement de conscience. Et après avoir constaté qu’il a, dans tous les ordres de sensations, des idées et de l’être, que toute sensation est une vérité, nous constatons qu’il y a, dans toutes les consciences individuelles, une conscience absolue ; que cette conscience absolue est indépendante de tout organisme étroit et éphémère, qu’elle est présente partout sans être enchaînée nulle part, qu’elle n’a d’autre centre que l’infini lui-même, et qu’ainsi toutes les manifestations de l’infini, l’espace, la lumière, le son, trouvent en elle leur centre de ralliement et une garantie d’éternelle réalité. Aussi, lorsque nous nous représentons le monde, après notre disparition, éclatant encore, sonore et vivant, nous n’abusons pas de notre droit ; nous n’imposons pas aux choses, arbitrairement, les fantaisies de notre moi individuel à jamais évanoui ; mais nous savons que notre moi individuel ne fait pas la réalité. Nous savons qu’il n’existe et ne dit moi que parce qu’il participe au moi absolu ; nous savons que ce n’est pas lui qui donne au son et à la lumière leur réalité, mais que le son et la lumière sont des manifestations de l’être absolu, identiques à la conscience ab-