Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/45

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lusion de la réalité, et il y a là certainement quelque chose qui trouble l’esprit. De plus, dans le rêve, l’hallucination, la spontanéité cérébrale apparaît très grande et l’on peut se demander un moment si la communication de la réalité extérieure et du cerveau est sérieuse, si le cerveau ne transforme pas en mouvements d’un tout autre ordre les mouvements extérieurs dont il est affecté, et si le monde que nous connaissons n’est pas une création cérébrale. Puis la science réduit ou semble réduire toute réalité au mouvement. Ce que nous appelons la lumière, le son, la couleur, la chaleur n’est hors de nous que mouvement ; et il n’y a entre la sensation de lumière et la vibration de l’éther, entre la sensation de son et l’ondulation de l’air aucun rapport intelligible. Dès lors le monde n’est-il pas une fiction dans ce qu’il y a de plus vivant en apparence et de plus réel, et toute sa réalité ne se réduit-elle pas à une abstraction mathématique ? Puis, il semble entendu depuis Kant que l’espace même n’est qu’une forme à priori de la sensibilité. Et voilà que même ce monde de la science qui suppose la réalité objective de l’extension et du mouvement semble frappé aussi par la critique de subjectivité. Enfin la conscience même, en tant que conscience, n’est-elle pas la négation de l’être ? Les choses sont parce qu’elles sont perçues ; supprimez la conscience, vous supprimez l’être. Que serait un monde qu’aucun regard ne contemplerait, qu’aucune âme n’aimerait ? mais alors le monde n’existe que dans la conscience et par elle ; et il n’y a d’autre réalité que la conscience elle-même. Sans doute toutes ces difficultés seraient emportées une à une par une déduction métaphysique de l’univers, car cette déduction, montrant ce qu’est le mouvement et la sensation, les récon-