Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/44

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pénétrant à fond la puissance infinie il n’y aura pas un seul élément dans le monde qui n’aspire à l’unité, c’est-à-dire à la plénitude de la réalité. Et toutes les fonctions, toutes les manifestations du monde, l’espace, le mouvement, la lumière, le son, l’individualité, la conscience exprimeront de façons diverses l’unité de l’être, son activité, la possibilité infinie qui est en lui et l’aspiration de toutes ses puissances vagues vers la suprême unité. Dès lors il ne pourra plus être question de subjectivisme ; on ne pourra plus se demander si le monde n’est qu’un fantôme de la conscience humaine, car l’être s’affirme et se garantit infiniment lui-même ; et il ne peut être le vain reflet de la pensée puisque, en s’affirmant et se garantissant lui-même, il se confond avec elle. Et rien dans le monde, pas même les sensations de l’homme, ne sera subjectivité pure ; car rien n’est en dehors de l’être, et tout participant à l’être est à la fois réel et intelligible comme lui. Le monde, pour échapper à l’idéalisme subjectif, n’a donc, comme Diogène, qu’à marcher, car toutes ses démarches nécessairement révèlent l’être. Et nous, pour réfuter l’idéalisme subjectif, nous n’aurions qu’à suivre le monde dans.a marche, c’est-à-dire qu’à montrer comment l’être, tel que nous l’avons compris, se développe et se manifeste dans le monde. C’est là ce qu’a fait Hegel qui, pour arracher son temps à ce qu’il appelle la maladie du subjectivisme, maladie poussée jusqu’au désespoir, s’est transporté d’emblée dans l’être et a déduit l’univers. C’est ce que fait aussi M. Lachelier qui défend l’univers du subjectivisme en le construisant. Et, à vrai dire, c’est la méthode souveraine. Mais il n’est point interdit, ou plutôt il reste nécessaire de discuter directement les thèses de l’idéalisme subjectif. Le rêve nous donne l’il-