Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/67

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poids et qu’on met en balance avec l’eau diversement transformée, n’a point subi elle-même une diminution de poids dans l’intervalle des transformations de l’eau. Comment le saura-t-on ? Est-ce en pesant à son tour ce poids ? Mais il faudra poursuivre à l’infini cette épreuve. Et puis, il pourrait y avoir dans tous les corps une diminution simultanée et proportionnelle des forces de poids, et les mesures de la science ne pourraient pas saisir cette diminution, car les relations des forces entre elles subsisteraient. Il en est de la persistance des mouvements comme de la persistance de la matière proprement dite. Quand la science dit que le mouvement, sans déchet aucun, se transforme en chaleur, elle entend que cette chaleur peut restituer exactement à une masse donnée la quantité de mouvement qui a disparu dans la production de la chaleur. Mais si cette masse donnée a subi dans l’intervalle une diminution interne, profonde, insaisissable de résistance, il n’y a plus, pour mesurer et comparer le mouvement et la chaleur, une unité fixe, un étalon certain.

Il se pourrait, à la rigueur, que la réalité du monde, sa force, son mouvement, son étendue, subissent à tout instant des variations en plus ou en moins. Si ces variations. étaient locales, partielles, elles jetteraient dans les phénomènes, dans les relations connues des êtres et des forces, un trouble que la science pourrait constater ; mais si elles étaient totales, si elles étaient réparties entre toutes les forces et tous les éléments du monde suivant leurs relations préexistantes ; si l’univers subissait en toutes ces parties, et proportionnellement à chacune d’elles, des resserrements de réalité ou des expansions ; s’il était, comme un vaste cœur, animé d’un double mouvement de systole et de diastole, les rap-