Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/68

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ports des phénomènes ne seraient point troublés, et la science ne serait pas avertie ; il est vrai qu’elle subsisterait tout entière ; mais ses affirmations sur la permanence de la force et du mouvement n’auraient plus qu’une valeur toute relative et conventionnelle. Or, c’est en un sens absolu et plein que la science affirme la permanence de la force et du mouvement : c’est qu’en réalité, et sans qu’elle le démêle, ou, tout au moins, sans qu’elle l’avoue, les mouvements et les forces lui apparaissent comme des déterminations, comme des manifestations de l’être, et, avec l’esprit humain, elle ne peut comprendre que ce qui est cesse d’être, de quelque manière que ce soit. C’est donc bien sur l’idée d’être que la science appuie, consciemment ou non, ses axiomes fondamentaux ; et lorsque, par une analyse graduelle, nous avons acheminé le monde matériel, de forme en forme, de mouvement en mouvement, à être l’expression de l’être immense, immuable et un, nous avons marché dans le même sens que la science elle-même, et bien loin d’avoir surpris, par je ne sais quelles habiletés de dialectique, la bonne foi de l’esprit, nous n’avons fait que résumer les conclusions dernières de la science expérimentale, et mettre à découvert les fondements secrets du savoir positif. La science part de l’idée d’être et elle y aboutit : nous ne nous séparons pas d’elle ; nous nous attachons à elle ; nous lui demandons seulement de confesser ses résultats et ses principes dans la langue même de l’esprit humain, je veux dire la métaphysique.

Mais ce n’est pas tout : tandis que la pensée et la science elle-même réduisent la matière proprement dite et le mouvement à avoir l’être pour substance ultime, il se produit dans la conscience d’incessantes conver-