Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/76

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l’être, il est l’être, et il rend par là même possibles toutes les formes de l’être. Or, ce qui est possible par la vertu éternellement agissante de l’être infini est par là même réel ; et voilà comment l’acte éternel et infini de l’être fonde, par sa seule affirmation, une puissance infinie d’être. Cet acte infini, c’est ce que nous appelons Dieu ; cette puissance infinie, c’est ce que nous appelons le monde.

Et parce que le monde est la puissance infinie de Dieu, il manifestera Dieu comme substance, comme force, comme unité et comme conscience ; il le manifestera comme substance en restant fidèle à travers toutes ses transformations à l’immutabilité de l’être ; il le manifestera comme force en évoluant sans lassitude ni défaillance à travers la durée sans terme ; il le manifestera comme unité en formant comme un système à la fois ordonné et immense dont les parties les plus lointaines se correspondent ; il le manifestera comme conscience en multipliant les centres d’unité où la conscience éclot. Il est donc aussi impossible à la pensée de séparer le monde et Dieu que de les confondre : l’acte infini qui est Dieu fonde cette puissance infinie qui est le monde ; mais ici l’acte, par cela seul qu’il est infini, fonde la puissance ; c’est-à-dire que dans l’infini l’acte et la puissance ne sont plus distincts que pour la pensée ; la dualité de l’acte et de la puissance est réconciliée dans l’unité vivante de l’acte infini et de la puissance infinie ; cette antithèse fondamentale de la puissance et de l’acte étant ainsi résolue, toutes les autres antithèses qui tourmentent la raison humaine se résolvent du même coup. Dieu, intimement mêlé au monde qui est sa puissance, est à la fois être et devenir, réalité et aspiration, possession et combat. Par là cesse le