Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/86

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l’ensemble, tout l’effort de la pensée humaine et de la science tend à ramener les faits sous la loi du mouvement. Et que sont quelques corrections ou quelques restrictions à la théorie moléculaire de la chaleur, à côté des tentatives faites pour trouver la théorie mécanique de la gravitation universelle ? D’ailleurs, l’idée qu’il peut y avoir des forces qui ne sont pas des mouvements est contradictoire, car ces forces ne sont pas indéterminées : ce sont des activités définies capables de produire certains effets précis, et point d’autres. De plus, elles sont liées à tout le système de l’univers par des relations définies de quantité : c’est ainsi que la force d’attraction agit suivant la distance et suivant la masse ; et si l’on fait varier d’une quantité infinitésimale, soit la masse, soit la distance, la force d’attraction varie d’une quantité correspondante.

Ainsi ces forces que l’on met hors du mouvement et de l’étendue sont des fonctions de la quantité continue, elles font donc partie de la continuité universelle dont l’étendue est le symbole. Or, qu’est-ce que des activités définies s’exerçant selon la continuité quantitative, sinon des mouvements ? Dire qu’il y a des forces qui ne sont pas des mouvements, c’est dire qu’il y a dans le monde des activités qui s’exercent en dehors de la quantité homogène, c’est-à-dire en dehors de l’être considéré comme puissance pure ; c’est dire que ce que nous appelons l’univers est une juxtaposition et un enchevêtrement bizarre de naturel et de surnaturel. Le monde ainsi serait semé de petites chapelles mystérieuses de forces où le mouvement se recueille et d’où il se déploie ; mais de même que Dieu ne réside pas de préférence dans des sanctuaires voilés ou des grottes sacrées, mais dans l’univers tout entier, de même la force n’est pas