Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/90

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lation. Par là le mouvement qui emporte un corps ne lui est pas totalement extérieur ; il est en relation avec le mouvement interne des parties. Tout corps qui se meut a en soi, outre son mouvement extérieur, un foyer intérieur de mouvement, une âme de mouvement. Les corps comme les âmes ne se livrent pas tout entiers ; ils ne donnent pas d’emblée toute leur mesure. Voilà deux âmes inégales ; elles ont sans doute, dès les premières années de la jeunesse, un élan inégal ; mais cette inégalité apparente d’élan ne mesure pas toujours avec vérité l’inégalité de la valeur intérieure ; l’âme la plus vivante porte en soi une chaleur obscure et un mouvement intérieur qui ont besoin d’un long espace de vie pour se déployer et pour marquer toute la distance de l’âme plus forte à l’âme plus faible. Ainsi la force vive sert bien à assurer au mouvement de translation une sorte d’individualité ; mais cette individualité a pour base d’autres mouvements ; la force vive met comme un secret dans la banalité du mouvement de translation, mais ce secret est encore du mouvement ; la force vive est en quelque sorte l’âme du mouvement de translation, mais cette âme est encore une forme de mouvement, et nous avons vu qu’il en était nécessairement ainsi de toutes les âmes par leur liaison à la puissance infinie de l’être et à la quantité. Ce n’est point par hasard et comme pour nous duper que les âmes s’expriment par un organisme, c’est-à-dire par un système défini de mouvements. Donc le mouvement n’est pas chose morte, et la force n’est pas chose occulte ; mouvement et force ne font qu’un.

D’où une double conséquence. D’abord tout mouvement perçu du dedans par une conscience sera senti comme une force ; et la conscience pourra unir le sentiment de la force et le sentiment de l’étendue. Ensuite,