Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/98

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sens une vérité. Par cela même que le mouvement est le déploiement de l’acte infini dans la puissance infinie, il fait pénétrer partout l’infini avec lui ; et l’infini, en même temps qu’il est la suprême clarté, est le suprême mystère. L’être infini est une inépuisable réponse à une inépuisable question ; Dieu même, en se comprenant comme être et en comprenant tout par soi, s’étonne d’être ; le jour où nous saurions tout, où nous verrions tout, nous aurions mis un terme à notre ignorance, mais point à notre étonnement ; l’étonnement n’est pas seulement à l’origine de la science, il est au bout, et à l’infini, il se confond avec la science elle-même ; l’infini a besoin, pour résister à la négation, de s’affirmer sans cesse, et c’est cette affirmation renouvelée qui renouvelle le monde ; il y a au fond de toute chose un étonnement divin qui met dans la monotonie des matins renaissants une fraîcheur d’aurore première et qui prolonge dans le rêve les perspectives voilées du soir. Et quand bien même nos sens pourraient voir par quels mouvements une conscience particulière plonge, de degré en degré, dans la puissance universelle de l’être, quand même tous les rapports particuliers de toutes les consciences particulières à l’infinité de la puissance et à l’infinité de l’acte divin seraient formulés en mouvements saisissables, et traduits pour les sens en combinaisons subtiles d’harmonie, en mouvants reflets de lumière et d’ombre, le mystère de la conscience absolue, suscitant et enveloppant à des distances inégales de soi des consciences sans nombre, n’en subsisterait pas moins. Seulement le mystère ne serait pas entremêlé aux choses comme l’ignorance se juxtapose pour nous à la science. Il serait au fond des choses même éclairées et perçues, et l’infini de la clarté se déploierait dans