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HISTOIRE SOCIALISTE

personne, dans l’étendue de l’Empire, ne manque du nécessaire et des secours conservateurs de l’existence : voilà l’office indispensable de la législation. »

« Point de vagabonds, point de mendiants dans la France entière : et pour cela des ateliers de charité partout, en sorte que chaque homme qui a des bras puisse trouver de l’ouvrage pour gagner son pain. »

« Il faut un petit atelier dans chaque paroisse, aux frais de la paroisse, un moyen dans chaque district aux frais du district, un très grand dans chaque province, aux frais de la province : Ces frais là seront très peu de chose, parce que les travailleurs feront de l’ouvrage qui tournera au profit de la Caisse de l’atelier.

La rétribution dans les Ateliers de Charité, doit être moindre que celle qui est accordée par les particuliers aux ouvriers qu’ils emploient. Si elle était égale, tous se porteraient aux ateliers publics, et il y aurait abus et impossibilité. Il faut qu’un homme, une femme, un enfant un peu fort gagnent, outre leur nourriture, huit, six, quatre sols pour leur entretien ; si l’on peut leur fournir les aliments en nature, cela vaudra mieux ; sur la multitude il y aura profit ; sinon on peut estimer le total de la nourriture nécessaire d’un homme à la valeur de quatre livres de pain, celle d’une femme à la valeur de trois livres, et celle d’un enfant à la valeur de deux livres. »

« Quand la livre de pain vaut trois sols, la journée d’un homme est donc indispensablement estimable à vingt sols ; douze pour les aliments et huit pour son nécessaire, qui comprend le logement, les habits, le chauffage et tout le reste de ses besoins ; voilà l’étroit nécessaire ; la journée d’une femme quinze sols ; celle d’un enfant qui peut travaille, dix sols. »

Cela est décisif, et le prétendu socialiste Fauchet a exactement la même conception que l’économiste Dupont de Nemours. Quand on se rappelle que le salaire des ouvriers parisiens d’après de très nombreux témoignages, variait à cette époque de trente à quarante sous, on s’aperçoit que les ateliers de charité de l’abbé Fauchet ne devaient guère payer, au moins à Paris, que demi-salaire. Je l’avoue : j’éprouve quelque irritation lorsqu’en détachant quelques phrases on essaie de donner, si peu que ce soit, un tour socialiste à ces règlements de police philanthropique. Je répète au contraire que la preuve décisive que ni les ouvriers, ni leurs orateurs les plus populaires n’ont en eux, à ce moment, la moindre lueur de socialisme, c’est que ni les uns, ni les autres n’ait essayé de glisser une pensée socialiste, un rêve d’affranchissement dans ce système des ateliers publics.

D’ailleurs, le cahier du Tiers État de Paris a sur ce point le mérite de la franchise. « On avisera aux moyens de détruire la mendicité dans les campagnes et le régime inhumain des dépôts fera place à des établissements plus utiles. »

C’est clair : il s’agit simplement d’une sauvegarde contre la mendicité et d’une meilleure utilisation des forces vagabondes du système social. La har-