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HISTOIRE SOCIALISTE

dage, il fallait établir dans chaque communauté de petits ateliers de charité destinés à occuper et à fixer les ouvriers et ouvrières valides.

Et en fait, l’ancien régime et la Révolution recourent largement à ce moyen d’assistance, soit en ouvrant des chantiers pour des travaux de terrassements, soit même en instituant des filatures et tissages de coton, de laine et de soie. On en trouvera de nombreux et curieux exemples au tome II du grand recueil de Tuetey sur l’Assistance publique à Paris pendant la Révolution, sous le titre spécial : Ateliers de charité et de filature.

Nulle part, cette institution ne dépasse le niveau philanthropique. Nulle part elle n’est comprise à la mode de Louis Blanc comme un moyen d’émancipation progressive des salariés. Dans les fameux cahiers du Bailli de de Nemours, où il a touché si minutieusement à tous les problèmes, Dupont de Nemours spécifie bien que toujours, dans les ateliers de charité, le salaire devra être inférieur au salaire des entreprises privées afin de ne point détourner de celles-ci la main-d’œuvre et de ne point encourager la paresse.

C’est donc une simple forme de l’Assistance et de l’aumône. Aussi bien comme le montrent les rapports recueillis dans le livre de Tuetey, les enfants pauvres recueillis par les hospices et les maisons religieuses sont-ils envoyés en hâte aux ateliers de charité : c’est une décharge pour les maisons de bienfaisance et c’est en même temps une acclimatation de l’enfance au travail industriel, un recrutement de la main-d’œuvre pour la production capitaliste agrandie.

Et chose décisive ! même l’abbé Fauchet, même le terrible et tonnant abbé qui fondera en 1790 le Cercle social et le journal la Bouche de fer et qui sera accusé par Camille Desmoulins de prêcher la loi agraire, même ce populaire tribun évangélique qui attirait au pied de sa chaire les foules ouvrières de Paris ne concevait lui aussi ces ateliers que comme une administration charitable.

Il avait deux grandes solutions au problème social : la limitation des fortunes territoriales, la multiplication des asiles publics. Mais M. Lichtenberger, malgré ses réserves, n’a vraiment pas assez dit combien tout cela est pauvre et même vide de socialisme.

En ce qui concerne particulièrement les ateliers publics, M. Lichtenberger a le tort de ne pas rappeler que l’abbé Fauchet aussi, tout comme Dupont de Nemours, demande expressément que le salaire y soit inférieur au salaire moyen de l’industrie privée et mesuré au strict nécessaire.

Voici son système exact, d’après un chapitre de son livre sur la Religion nationale, publié en 1789, aux premiers jours des États-Généraux. « Les lois doivent prendre soin des pauvres non pas au point de leur procurer à tous quelque aisance et quelque participation aux douceurs de la vie ; c’est l’office de la bonté particulière, et de la générosité personnelle de chaque citoyen, en état de se procurer à lui-même ce mérite et ce bonheur ; mais de manière que