Page:Jaurès - Histoire socialiste, I.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
194
HISTOIRE SOCIALISTE

et les font vivre sur les pâturages communs, même sur les prés dans les premiers temps de la végétation : ce qui les rend stériles, nuit aux propriétaires ou à leurs fermiers, qui ne peuvent avoir pour leur culture autant de bêtes qu’il en faudrait pour la rendre utile. »

« Il convient de provoquer une loi qui fixe l’époque à laquelle les prés seront en défense, qui règle le nombre des bêtes de toute espèce que chaque habitant pourra faire pâturer en été dans les pâtures communes, au même nombre qu’il aura nourri l’hiver du produit de sa récolte, faite sur son propre pâturage ou sur des héritages loués. Ce que nous proposons à ce sujet est conforme à l’équité, aux dispositions littérales de plusieurs coutumes, à l’esprit de nombre d’autres, notamment de celles de la marche d’Auvergne, de Melun, de Montargis, etc., et à la jurisprudence des cours souveraines. »

Comme on voit, c’est ici encore le refoulement des pauvres qui ne pouvaient se procurer un peu de bétail qu’en été, quand s’ouvraient les pâturages communs.

Et le cahier ajoute pour aggraver encore ces restrictions : « Les moutons causent aux propriétés artificielles et naturelles un tel préjudice que le parlement a rendu trois arrêts de règlement pour défendre de les faire pâturer en aucun temps de l’année dans les prairies naturelles ; mais d’un côté, le parlement ne tient pas assez la main à l’exécution de ses arrêts, de l’autre, il n’a rien statué sur les prairies artificielles. Il conviendra par la loi qui prononcera sur l’usage des pâturages communs de faire prononcer cet objet. »

Enfin, voici au nom des intérêts de l’élève du bétail une déclaration de guerre à fond contre le libre parcours et la vaine pâture. « Il est important de veiller à ce que les animaux se multiplient pour obtenir la diminution de la viande, du beurre, du fromage, de la chandelle, etc., et cette multiplication d’animaux ne viendra qu’en rendant une loi qui conserve à chaque propriétaire ou à son fermier tout l’usage de ses prairies tant naturelles qu’artificielles en l’interdisant à tout autre….. L’usage de rendre les prairies communes immédiatement après la coupe des foins, ne nuit pas seulement à l’agriculture en ne laissant pas à l’agriculteur la faculté de faire une seconde coupe dans son pré, s’il en est susceptible, ou d’en conserver la seconde herbe pour y faire engraisser telles bêtes qu’il voudrait. »

« Cet usage attaque directement la propriété. Il la restreint à environ quatre mois de l’année, pendant lesquels le foin croît et se recueille, et pendant les huit autres mois, cette propriété s’évanouit. Cependant le propriétaire en paye toutes les charges, quand même il affermerait parce que le fermier, qui sait qu’il les acquittera, loue en conséquence ; il n’y a pas d’usage plus injuste. »

« Mais, direz-vous, cet usage introduit par la nécessité doit être maintenu par l’impossibilité de le révoquer parce qu’il est impossible que dans un contenant de prairies naturelles d’environ 200 ou 300 arpents, possédés par vingt