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HISTOIRE SOCIALISTE

avocat au Parlement, futur député à la Législative, conseiller d’État et ministre des cultes sous l’Empire ; Broussounet, naturaliste, de l’Académie des Sciences, député à la Législative ; Cahier de Gerville, avocat, substitut du procureur de la Commune, ministre de l’Intérieur à la fin de 1791 ; Caron de Beaumarchais, l’auteur du Mariage de Figaro ; Gibert des Molières, membre des Cinq-Cents ; Quéronet aîné, professeur d’éloquence, plus tard directeur de l’École normale ; Lacretelle aîné, avocat, littérateur, de l’Académie Française, député à la Législative et au Corps législatif sous l’Empire ; de la Harpe, le célèbre critique littéraire, de l’Académie Française ; le Roux de la Ville, ancien directeur des salines royales, ministre des Consultations publiques le 30 juillet 1792 ; Réal, procureur au Châtelet, qui devint substitut de Chaumette, accusateur-public, conseiller d’État, préfet de police ; Thuriot de la Rosière, député à la Législative et à la Convention, etc. »

La nouvelle assemblée des représentants de la commune de Paris n’était point médiocre : et elle n’avait même point reçu des électeurs un mot d’ordre de modérantisme. Je remarque même un détail curieux : c’est que Brissot de Warville, qui était à ce moment-là un journaliste d’avant-garde, est élu par ce district des Filles Saint-Thomas où résidait et dominait la bourgeoisie financière et banquière, et que Marat ne va pas tarder à dénoncer sans trêve comme un foyer de contre-révolution. Il n’y avait donc certainement dans la bourgeoisie notable de Paris, en cette fin de juillet, aucun parti pris de résistance, aucun désir de se rapprocher des anciennes classes dirigeantes pour contenir et refouler la démocratie : et même plusieurs des élus étaient des démocrates hardis, comme Brissot, comme Réal. Mais il semble qu’il n’y ait eu dans cette réunion d’hommes aucun esprit public vigoureux. La bourgeoisie parisienne qui les déléguait était fière de la victoire du 14 : mais assez amie de son repos et portée, par suite, à la confiance envers le Roi, elle répugnait à toute agitation et même à toute action nouvelle ; elle désirait que les éléments populaires n’eussent que des occasions très rares de rassemblement.

D’ailleurs, l’incertitude même du mandat de cette assemblée communale, élue seulement pour tracer un plan d’organisation municipale, ses perpétuels conflits avec le maire Bailly, l’affaiblissaient : et lorsque le maire, le 31 août, se décida à rompre avec cette assemblée et à faire appel aux districts, en vue de constituer une assemblée nouvelle de trois cents membres, celle-ci, formée ainsi au milieu des querelles, n’eut pas non plus une grande vigueur d’élan.

Elle s’installa le 19 septembre : et on put rapidement constater que, quoiqu’elle eût conservé les hommes les plus éminents de la première assemblée communale, et qu’elle eût fait de nouvelles et brillantes recrues, comme Duveyrier, Garran de Coulon, l’habile financier Mollien, les écrivains Bonnevile et Frérou, les grands savants de Jussieu, le botaniste, Lavoisier, le