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Page:Jaurès - Histoire socialiste, I.djvu/458

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HISTOIRE SOCIALISTE


Vraiment, je serais tenté d’interrompre l’audacieux orateur pour m’étonner de son cynisme. L’abbé Maury oublie ou feint d’oublier qu’en refusant sa part d’impôt depuis des siècles, le clergé a précisément acculé la monarchie à ces emprunts qui ont alimenté la spéculation et l’agio. L’abbé Maury oublie que quand il consentait « des dons gratuits » le clergé, au lieu de s’imposer, au lieu d’aliéner, s’il en était besoin, une partie de son domaine foncier, empruntait toujours, et en ajoutant sa dette à celle de l’État, développait encore les opérations de finances.

L’abbé Maury oublie que ce ne sont pas seulement les agioteurs qui concentraient dans Paris les ressources de la France, mais que les nobles non résidents, les évêques et bénéficiaires toujours absents de leur évêché ou éloignés de leur bénéfice, venaient aussi depuis deux siècles dévorer à Paris le produit du travail des provinces. L’abbé Maury oublie que pour que les laboureurs fassent germer dans le sillon la grandeur de l’État, il n’est point nécessaire que ce sillon reste la propriété du prêtre et du moine. Il oublie que les paysans tout seuls n’auraient pu s’affranchir, qu’ils ne le pouvaient à cette date que par le concours de la bourgeoisie révolutionnaire ; or, la banqueroute à laquelle l’État aurait été acculé sans la vente des biens du clergé, aurait brisé le ressort de cette bourgeoisie, elle aurait ruiné non seulement les agioteurs, mais surtout ces « honnêtes capitalistes », tous ces rentiers « laborieux et économes » dont parle lui-même l’abbé Maury, attentif déjà à distinguer le « bon » et le « mauvais » capitaliste ; encore un thème qu’exploitera savamment la démagogie antisémite préoccupée de combattre et de ruiner la bourgeoise révolutionnaire tout en rassurant l’ensemble du capital.

Mais écoutons encore, vous croirez entendre une voix d’aujourd’hui, un forcené d’antisémitisme et de nationalisme. L’abbé Maury oppose le « patriotisme » et le désintéressement de la classe foncière à l’égoïsme de la classe capitaliste.

« Messieurs, dans ce moment d’épreuve pour le véritable patriotisme, la conduite des propriétaires et des détenteurs du numéraire national vient de nous présenter un contraste bien digne d’être observé dans l’Assemblée de la nation. Les propriétaires ont fait les plus grands sacrifices aux besoins de l’État, et ils en ont annoncé de plus généreux encore. Ils ont sanctionné d’abord la dette publique sans la connaître : ils n’ont écouté que la voix de l’honneur qui ne s’informe pas du montant de ses créances pour les ratifier. Ils ont signalé et immortalisé leur patriotisme par la générosité inattendue des arrêtés du 4 du mois d’août dernier. Ils ont donné un effet rétroactif à l’abandon de leurs privilèges pécuniaires. Ils ont sacrifié sans hésiter leur vaisselle d’argent, l’argenterie des églises, le quart manifeste de leur revenu.

« Qu’ont fait pour l’État les dépositaires connus de tout le numéraire du royaume ? Ce qu’ils ont fait ? rien, Messieurs, rien. Pour consolider la fortune publique, ils avaient d’abord annoncé une souscription volontaire de