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HISTOIRE SOCIALISTE

plus profond du sol comme des racines qui s’enchevêtrent. Et c’est cet enchevêtrement profond des intérêts qui a rendu la Révolution indestructible.

Mais il me semble, autant qu’on en puisse juger par une énumération où ne figurent point des chiffres, que même dans cette région agricole du Louhanais, c’est la bourgeoisie qui a la plus grande part. Qu’on se rappelle tous les bourgeois de Louhans et tous les bourgeois des bourgs que nous avons vu défiler, maires, députés, juges de paix, notaires, avoués, rentiers, marchands ; qu’on se rappelle que plusieurs d’entre eux, comme Arnoux, Puvis, Lorin ont acheté des terres et des prés dans un très grand nombre de paroisses, on conclura, sans doute, que s’il n’y a eu ni accaparement, ni simple substitution de la bourgeoisie à l’Église, du moins la bourgeoisie, même en cette contrée où elle n’était pas particulièrement forte, a acquis au moins autant, et sans doute plus que le paysan.

Dans le Gard, où la bourgeoisie commerçante et banquière d’Alais, d’Uzès, de Nîmes surtout est plus riche et puissante que celle du Louhanais, la proportion des achats bourgeois aux achats paysans, est beaucoup plus élevée. Le livre de M. François Rouvière, dont j’ai déjà parlé, contient la liste des acheteurs pour les biens de seconde origine, c’est-à-dire les biens des émigrés et les biens patrimoniaux des communes, comme pour les biens de première origine, c’est-à-dire les terres d’Église et les biens de la couronne. Mais les biens des émigrés ne seront mis en vente que plus tard, par la loi du 8 avril 1792. Je ne parle en ce moment que des biens de première origine.

Ce qui frappe ici tout d’abord, c’est le grand nombre des acheteurs ; il y en a, pour les biens de première origine, pour le département du Gard, 2,699. Ces achats s’étendent sur plusieurs années, mais les plus nombreux et les plus importants eurent lieu dès 1791 et 1792. Ici aussi, il y eut donc un mouvement très rapide à la fois et très vaste.

Ce qui frappe en second lieu, c’est le très grand nombre de lots de très petite valeur ou de valeur médiocre, accessibles ainsi, semble-t-il, à des acheteurs pauvres ou modestes.

Voici, par exemple, une olivette-mûrier de 545 livres ; une chènevière de 390 livres ; une terre de 535 livres ; une terre de 375 livres ; un bâtiment de 93 livres 10 sols ; une terre dite la grande terre de 1,225 livres ; une maison de 1,600 livres ; une de 2,172 livres ; une terre de 3,100 livres ; une de 1,050 livres ; une vigne et terre de 3,900 livres ; une terre de 8,250 livres ; une aire de 130 livres ; une garrigue de 1,825 livres ; une terre de 400 livres ; une de 3,000 livres ; une maison avec écurie, grenier à foin, jardin, de 2,335 livres ; deux terres mûriers de 410 livres ; terres mûriers de 3,100 livres ; une maison et des terres de 4,000 livres ; une terre de 440 livres ; une de 5,200 livres ; une de 2,400 livres ; une vigne et bois de 525 livres ; une vigne-olivette et fruitier de 1.500 livres ; une terre de 86 livres ; six pièces de terre de 3,872 livres ; des terres de 3,050 livres ; une terre de 2,950 livres ; une de 2,590 livres ; une de