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HISTOIRE SOCIALISTE

Voici maintenant ce que propose l’archange : et ce n’est point le glaive du Dieu des armées qui va resplendir en ses mains : il s’agit encore d’une entreprise de travaux publics ; mais avec des combinaisons originales et suggestives :

« Le projet que je vais mettre sous les yeux du public est d’un philanthrope éclairé. Son exécution assurera immédiatement et pour plusieurs années la subsistance à des milliers d’ouvriers sans qu’il en coûte rien au Trésor public ; et sans que l’on ait à craindre de voir troubler l’ordre et la tranquillité parisienne, quelque nombreux qu’ils soient ; il fixera sous peu d’années le pain à 7 ou 8 sols les 4 livres, ce qui fera pour le peuple une économie annuelle de plus de dix millions ; il augmentera la somme des richesses de la capitale chaque année, en procurant des travaux à une immense quantité d’ouvriers ; il fera le sort de 80 000 de ses habitants, contribuera à détruire la mendicité et il augmentera considérablement le revenu public. Ce projet est très simple : il consiste dans l’ouverture d’un canal à Saint-Maur, qui passerait sous le bois de Vincennes, dans la roche qui fait la base de cette éminence, ce qui épargnerait beaucoup de dépenses aux mariniers, abrégerait de 8 000 toises la navigation et diminuerait infiniment ses dangers en évitant les roches qui se trouvent au fond de l’eau.

« 2o Le lit naturel de la rivière, dans ce pourtour, devenant inutile à la navigation, il s’agit d’établir 50 usines diverses comme moulins à farine et à houblon, martinets pour les gros ouvrages, papeteries de différents genres et moulins à filières pour tressiller les métaux ; branche d’un commerce de plusieurs millions par ou pour des objets que nous tirons de l’étranger.

« 3o Le château de Vincennes, ce séjour de douleur et de désespoir qui rappelle sans cesse l’idée de la tyrannie qui l’a élevé pour en faire le siège de ses vengeances et de ses fureurs, acquis des deniers des entrepreneurs et converti en grenier d’abondance où le pauvre trouvera toujours la subsistance au plus bas prix possible et sous la surveillance des citoyens de la capitale et du département, deviendra un monument glorieux du règne de la liberté conquise. Ce vaste grenier contenant des subsistances pour plusieurs années, qui se renouvelleraient sans cesse, alimentera nos moulins, et Paris ne dépendra plus de la cupidité des compagnies accapareuses ; la disette factice que l’on nous a fait éprouver au milieu de l’abondance doit nous rendre sages pour l’avenir.

« 4o Les fonds nécessaires à cette entreprise seront fournis par la classe indigente qui s’y fera un sort avec une bien faible semence, voici comment. On formera une tontine réversible sur toutes les têtes jusqu’au dernier vivant : elle sera composée de 80 000 actions égales, chacune de 75 livres, une fois payées, et payables si l’on veut, à raison de 6 livres 5 sols par mois pendant une année. Ce paiement, au bout de trois ans, terme où les travaux seront achevés, donnera un intérêt de cinq pour cent qui augmentera d’année en an-