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HISTOIRE SOCIALISTE

déterminé par la Révolution. Il y avait eu à la suite de la mauvaise récolte de 1789, exode de numéraire. Il n’avait pu rentrer encore : et ainsi, c’est avec un numéraire appauvri que la société nouvelle devait faire face aux entreprises audacieuses, aux transactions que l’exubérance même de la vie multipliait.

Plusieurs villes manufacturières, notamment Lyon, avaient créé des billets de confiance. C’étaient de tout petits coupons portant la signature d’une association privée et échangeables contre des assignats. Il était suppléé par là à la rareté du numéraire et aussi à l’insuffisante subdivision des assignats.

Ce mécanisme fonctionnait parfaitement, et les billets de confiance ne subirent aucune dépréciation : ce qui indique la puissance de crédit des associations d’industriels qui les avaient mis en circulation. Il y là encore un signe de prospérité et de vitalité économique.

Au demeurant, à en juger par des relevés contemporains, assez incertains il est vrai, le commerce extérieur de la France s’était beaucoup développé de 1789 à 1792. Il aurait atteint en 1792, 1732 millions de francs, 929 à l’importation, 803 à l’exportation. C’est-à-dire plus de six cents millions de plus au total qu’en 1789.

Il est vrai qu’il est malaisé de discerner si la dépréciation assez marquée déjà des assignats en 1792 ne force pas le prix apparent des marchandises importées et exportées. Pourtant il paraît bien qu’il y eut un accroissement notable de l’activité des échanges. Sybel lui-même qui assombrit assez volontiers les couleurs, reconnaît que dans les premières années de la création des assignats, leur dépréciation eut plutôt pour effet d’encourager les exportations : la différence entre la valeur de l’or et la valeur de l’assignat constituait une prime pour nos exportateurs qui, vendant sur le marché étranger, étaient payés en or et pouvaient ensuite convertir cet or en assignats avec bénéfice.

Je ne puis citer en entier, mais je signale l’important rapport soumis à la Convention le 20 décembre 1792 par le ministre de l’intérieur, sur le commerce extérieur du premier semestre de 1792. L’activité qu’il signala pour cette période n’a pas évidemment surgi en un jour : elle était préparée par tout l’effort de l’année 1791, comme le confirme d’ailleurs l’intéressant passage de Rœderer que j’ai cité. Le ministre dit dans son rapport :

« Le montant de nos ventes à l’étranger s’élève, pour le premier semestre, à 382 millions ; et afin de mieux fixer l’opinion j’ajouterai qu’année moyenne elles ne s’élevaient qu’à 357 millions, ce qui présente 25 millions d’excédent pour un semestre sur la somme de commerce d’une année. »

Et il affirme que ce n’est pas à un relèvement factice des prix, mais à un accroissement réel des quantités exportées qu’est dû cet excédent. Ainsi pour les vins il y a eu des expéditions plus importantes : « Nos toileries, ajoute-t-il, se sont soutenues sur les marchés extérieurs. Les batistes, dentelles, draperies,