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HISTOIRE SOCIALISTE

parti. Dans l’Assemblée ou hors de l’Assemblée, ils avaient refusé le serment et donné à leur refus tout l’éclat possible.

Au contraire s’ils s’inclinaient, s’ils n’osaient pas braver l’Assemblée en face, la partie était gagnée. Les évêques refusèrent. Seuls, Talleyrand évêque d’Autun et Gobel, évêque in partibus de Lydda prêtèrent le serment. Hors de l’Assemblée, trois prélats seulement, l’archevêque de Sens, Loménie de Brienne, l’évêque d’Orléans, Jarente et l’évêque de Viviers, Lafont Savine jurèrent sans délai et sans réticence « de veiller sur les fidèles de leur diocèse, d’être fidèles à la Nation, à la loi et au Roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée Nationale et acceptée par le Roi. »

L’abbé Grégoire, à la tribune de l’Assemblée, essaya de disculper les préventions des fidèles et des prêtres contre la Constitution civile. « On ne peut se dissimuler, dit-il, que beaucoup de pasteurs très estimables et dont le patriotisme n’est point équivoque éprouvent des anxiétés, parce qu’ils craignent que la Constitution française ne soit incompatible avec les principes du catholicisme.

« Nous sommes aussi inviolablement attachés aux lois de la religion qu’à celles de la Patrie. Revêtus du sacerdoce, nous continuerons de l’honorer par nos mœurs : soumis à cette religion divine, nous en serons constamment les missionnaires, nous en serions s’il le fallait les martyrs : mais après le plus mûr, le plus sérieux examen, nous déclarons ne rien apercevoir dans la Constitution civile du clergé qui puisse blesser les vérités saintes que nous devons croire et enseigner. »

« Ce serait injurier, calomnier l’Assemblée Nationale que de lui supposer le projet de mettre la main à l’encensoir. À la face de la France, de l’univers, elle a manifesté son profond respect pour la religion catholique, apostolique et romaine. Jamais elle n’a voulu priver les fidèles d’aucun moyen de salut ; jamais elle n’a voulu porter la moindre atteinte au dogme, à la hiérarchie, à l’autorité spirituelle du chef de l’Église. Elle reconnaît que ces objets sont hors de son domaine. »

« Dans la nouvelle circonscription des diocèses, elle a voulu simplement déterminer des formes politiques plus avantageuses aux fidèles et à l’État. Le titre seul de Constitution civile du clergé énonce suffisamment l’intention de l’Assemblée Nationale. Nulle considération ne peut donc suspendre l’émission de notre serment ; nous formons les vœux les plus ardents pour que, dans toute l’étendue de l’Empire, nos confrères, calmant leurs inquiétudes, s’empressent de remplir un devoir de patriotisme si propre à porter la paix dans le royaume et à cimenter l’union entre les pasteurs et les ouailles. »

L’effort de Grégoire était sincère : mais il démontre l’étendue de la résistance. De plus, la centralisation catholique était déjà telle, que le janséniste Grégoire est obligé de protester lui-même que l’Assemblée n’a pas touché à