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HISTOIRE SOCIALISTE

« 1o Que nous sommes attachés à l’observation exacte de nos devoirs autant qu’à la conservation entière de nos droits : l’une est la charte primitive et l’autre est le décalogue naturel.

« 2o Que nous ne séparons point dans nos cœurs ce qui est inséparable dans l’empire français, la constitution monarchique de la constitution populaire, et qu’après d’excellentes lois le premier don du Ciel nous semble être un excellent monarque ; Louis XVI n’a pas créé la Constitution, mais il semble avoir été créé pour elle.

« 3o Que nous plaçons au premier rang des vertus chrétiennes cette tolérance charitable. Cette fraternité évangélique, cette subordination religieuse, établie par le fondateur du christianisme, prêchée par les apôtres de la foi, renversée par d’ambitieux pontifes et rétablie enfin par nos législateurs, qui ont retrouvé la religion quand on la croyait perdue ;

« 4o Que nous sommes également résolus à payer et à faire payer les contributions imposées par la loi, et réparties par la justice, comme une dette religieuse, comme un contrat civique, comme un patrimoine national ;

« 5o Que nous favoriserons de toutes nos forces, ainsi que de toute notre docilité, la circulation des blés, non moins indispensable au monde que la circulation des airs et la circulation des fleuves ;

« 6o Que nous respecterons les propriétés jusque dans les débris féodaux ; que nous serons soumis à la magistrature, autant qu’indépendants d’une vaine noblesse, et que désormais nous regarderons l’homme inutile comme le seul être ignoble, et l’homme bienfaisant comme le seul noble réel ;

« 7o Et enfin que nous ne quitterons jamais nos armes, nos instruments de liberté, pas plus que ceux de la culture ; mais que nous ne les tournerons jamais contre la patrie, jamais contre la loi, jamais contre l’ordre public. Nous voulons conserver la liberté des hommes et non pas imiter la liberté des tigres et celle des brigands.

« Nous déposons dans votre sein. Messieurs, le serment de nos cœurs ; nous avons applaudi vos sentiments ; daignez approuver les nôtres ».

Bien suggestives sont ces démarches, ces paroles du clergé révolutionnaire. Les prêtres, dans plusieurs campagnes subissaient évidemment l’entraînement général.

Comment auraient-ils pu persuader à leurs fidèles que la Révolution était diabolique du moment où par l’abolition des dîmes et des plus humiliants des droits féodaux, par l’abolition des impôts odieux comme la gabelle, et du droit exclusif de chasse du noble, elle améliorait et relevait la condition du paysan ?

Le prêtre pouvait-il dire à ces paysans que la Révolution qui était son amie était l’ennemie de Dieu ? Il était ainsi conduit à chercher lui-même la conciliation de son antique foi et du grand mouvement populaire.

Ainsi, bien que la Révolution procédât à la fois d’une croissance économi-