Page:Jaurès - Histoire socialiste, I.djvu/702

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
692
HISTOIRE SOCIALISTE

mon zèle le plus pur sous le jour de l’ambition ; je serais dès cet instant incapable de devenir de quelque utilité dans la situation difficile où se trouve le royaume. »

C’est le marché en main : ou le roi s’engagera avec précision et jusque dans les moindres détails à assurer au baron de Breteuil le plein pouvoir ministériel, ou le baron de Breteuil, qui détient tous les secrets du roi dans une négociation difficile et redoutable, se considérera brusquement comme inutile et cessera ses services. Les hommes du peuple qui insultaient le roi sur la place du Carrousel lui témoignaient à coup sûr moins de mépris que ce grand seigneur qui lui demandait avec menaces et presque avec chantage un blanc-seing ministériel.

Au demeurant le roi était pris entre des plans de réaction forcenée et des plans de réaction plus modérée.

Le roi de Suède, fanfaron d’absolutisme et fier-à-bras de la royauté, trace à Louis XVI un programme délirant de contre-révolution. La lettre du baron de Taube au comte de Fersen, datée de Stockolm, 6 mai 1791 est un monument de folie furieuse. « Mon cher ami, le roi (de Suède) m’a ordonné de vous dire qu’il vous charge d’assurer le roi et la reine de France qu’il emploiera tous les moyens possibles pour tâcher de les secourir. Son avis — en attendant qu’il puisse faire une réponse aux demandes que lui portera le courrier de Stedingk — est, si leurs Majestés peuvent se sauver de Paris, de faire tout de suite convoquer tous les Parlements et déclarer l’Assemblée nationale illégale, usurpatrice des droits du trône et de la royauté, de déclarer les individus rebelles et traîtres à la patrie ; d’ordonner dans tout le royaume de courir sus ; de rappeler toutes les grandes charges et les chefs de l’armée, qui ont été obligés de se sauver hors de la patrie, ainsi que tous les évêques ; de rétablir tout comme c’était avant la Révolution, et de remettre le clergé dans leur ancien régime et culte ; rétablir les trois ordres de l’État qui ont été confondus, par une usurpation de l’Assemblée nationale, mais déclarer en même temps qu’il n’y aura pas de distinction ni de différence entre les trois ordres pour le payement des impôts ; — de faire arrêter le duc d’Orléans, le faire juger et condamner par un des Parlements et ne point lui faire grâce ; — de faire rentrer surtout l’armée dans la discipline et la subordination la plus absolue et point ménager les exemples les plus rigoureux pour les y contraindre ; — enfin ne point faire de compositions avec qui ce soit, ne faire aucun gouvernement mixte, mais remettre la royauté dans toute sa puissance ; s’éloigner à jamais de paris et faire périr ce repaire d’assassins par un oubli total de son existence ; car tant qu’il y aura un paris en france, il n’y aura jamais de rois. »

Quel fou furieux ! et que sont les massacres de septembre si terribles pourtant et si monstrueusement inutiles, que sont ces violences soudaines du peuple excité par la fureur patriotique et par la peur affolante de l’étranger, à