d’énoncer, je n’irais certainement pas les chercher fort loin, je demanderais aux membres de cette Assemblée qui ont soutenu l’opinion contraire : Ceux des membres électoraux qui vous sont connus, qui sont tout près de nous, ceux qui ne payent pas 30 ou 40 journées de travail, sont-ils des ouvriers ? Non. Sont-ils des cultivateurs ? Non. Sont-ils des libellistes ? Sont-ils des journalistes ? Oui ! (Vifs applaudissements.)
« Dès que le gouvernement est déterminé, dès que par une Constitution établie, les droits de chacun sont réglés et garantis (c’est le moment auquel j’espère que nous allons toucher) alors il n’y a plus qu’un même intérêt pour les hommes qui vivent de leurs propriétés et pour ceux qui vivent d’un travail honnête : alors il n’y a plus dans la société que deux intérêts opposés, l’intérêt de ceux qui veulent conserver l’état de choses existant parce qu’ils voient le bien être avec la propriété, l’existence avec le travail, et l’intérêt de ceux qui veulent changer l’état de choses existant parce qu’il n’y a de ressources pour eux que dans une alternative de révolution, parce qu’ils sont des êtres qui grossissent et grandissent pour ainsi dire dans les troubles comme les insectes dans la corruption ! » (Vifs applaudissements.)
Ces habiles et violentes paroles flattaient les passions conservatrices de la bourgeoisie révolutionnaire. Elles étaient couvertes d’acclamations, mais quel sophisme ! Est-ce parce que, en ce moment, les artisans, les ouvriers, les laboureurs, ne choisissaient point parmi eux les électeurs du second degré, qu’il fallait leur fermer à jamais l’accès des assemblées électorales ? Et que signifient ces dédains, ces outrages pour la bourgeoisie pauvre, ambitieuse à coup sûr, qui remuait des couches plus profondes de démocratie ? Barnave a-t-il donc oublié que trois ans plus tôt ce n’étaient pas les artisans, les laboureurs, qui rédigeaient eux-mêmes leurs cahiers mais qu’ils empruntaient la plume et les passions mêmes de la petite bourgeoisie de campagne ?
Il y a dans cette colère de l’inquiétude. La bourgeoisie révolutionnaire modérée sait que, malgré tout, son œuvre est instable, que sa combinaison savante des pouvoirs est minée sourdement, d’un côté par le mauvais vouloir du roi, de l’autre par le mouvement démocratique : et elle témoigne une extrême nervosité.
Barnave donnait à ces sentiments de la majorité de la gauche une expression passionnée. Le 15 août, un député, Guillaume, ayant dit que la Constitution revisée présentait des lacunes, Barnave présenta avec véhémence la défense des Comités : « Une autre classe à la vérité, s’est montrée opposée à notre travail, mais quelle était cette classe ?
« Je la divise en deux espèces très-distinctes, l’une est celle des hommes qui dans l’opinion intime de leur conscience donnent la préférence à un autre gouvernement, au gouvernement républicain, qu’ils déguisent plus ou moins dans leurs opinions, mais qui, lors même qu’ils l’abandonnent, reviennent