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HISTOIRE SOCIALISTE

Cette fois, c’est Duport et Barnave qui gardèrent le silence. Mirabeau ne serait point resté immobile et muet sous de tels outrages et de si dangereuses accusations. Barnave n’avait-il donc point un suffisant ressort ? ou bien était-il en effet comme interdit par ses relations secrètes avec la Cour ? Sentait-il lui-même le péril que si âprement Robespierre dénonçait ?

La Constitution fut portée au roi le 3 septembre par une députation de soixante membres ; le roi l’accepta le 13 et le lendemain 14, il vint une fois de plus jurer fidélité à la nation et à la loi. Il y eut des fêtes dans Paris. Au même moment continuait la correspondance secrète de la famille royale avec Fersen et les cours étrangères.

Celles-ci, effrayées par les événements de Varennes et commençant à redouter la propagande révolutionnaire, s’engageaient par de mystérieuses conventions sur le chemin de la guerre. Le 27 août, à Pilnitz, l’empereur d’Autriche et le roi de Prusse signaient une déclaration fameuse qui est le premier acte officiel de la coalition contre-révolutionnaire : « Sa Majesté l’Empereur et Sa Majesté le roi de Prusse ayant entendu les désirs et les représentations de Monsieur et de M. le comte d’Artois, se déclarent conjointement qu’elles regardent la situation où se trouve actuellement le roi de France comme un objet d’un intérêt commun à tous les souverains de l’Europe. Elles espèrent que cet intérêt ne peut manquer d’être reconnu par les puissances dont le secours est réclamé et que, en conséquence, elles ne refuseront pas d’employer, conjointement avec leurs dites Majestés, les moyens les plus efficaces relativement à leurs forces, pour mettre le roi de France en état d’affermir, dans la plus parfaite liberté, les bases d’un gouvernement monarchique également convenable aux droits des souverains et au bien-être de la nation française. Alors et dans ce cas, leurs dites Majestés, l’Empereur et le roi de Prusse, sont résolues d’agir promptement d’un mutuel accord, avec les forces nécessaires, pour obtenir le but proposé en commun.

« En attendant, elles donneront à leurs troupes les ordres convenables pour qu’elles soient en état de se mettre en activité.

« A Pilnitz, le 27 août 1791.


« Signé : Léopold, Frédéric-Guillaume. »


Ce n’était pas l’intervention immédiate. Visiblement, les souverains hésitaient puisqu’ils subordonnaient leur entrée en campagne à l’adhésion de plusieurs autres puissances. Mais quelque incertain encore que fût cet engagement des souverains, les princes chefs de l’émigration avaient hâté de la faire connaître au monde : et, avec une imprudence et une inconscience inouïes, le comte de Provence et le comte d’Artois écrivirent à Louis XVI une lettre publique qui pouvait soulever contre lui toute la France.

« Sire, notre Seigneur et frère, lorsque l’Assemblée qui vous doit l’existence