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Page:Jaurès - Histoire socialiste, I.djvu/77

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HISTOIRE SOCIALISTE

était assez active pour donner à la bourgeoisie dirigeante et entreprenante une force et une conscience révolutionnaires. Elle ne l’était pas assez pour communiquer au prolétariat une vertu révolutionnaire distincte du mouvement bourgeois.

Il n’y avait presque pas de province qui fut dépourvue d’industrie. Dans le Languedoc, dans les vallées des Cévennes, se multipliaient, de Lodève à Castres, les manufactures de draps. Dans la Normandie, les fabriques d’étoffes, lainages et cotonnades, dans la Picardie, dans la Champagne, les bonneteries et les fabriques de draps ; tout le long de la vallée de la Loire et dans la moyenne vallée du Rhône, à Tours, à Roanne, à Lyon, les fabriques de soieries ; dans les Ardennes, dans la Somme, les métallurgies, les fonderies, ces terribles usines d’où Babœuf désespéré appellera « l’armée infernale » ; dans l’Est, en Alsace-Lorraine, le travail des métaux ; dans l’Artois, les mines de charbon qui commencent à Anzin surtout à devenir de grandes entreprises.

Il y avait déjà de grandes manufactures qui annonçaient la grande concentration industrielle de notre siècle ; les inventions mécaniques se multipliaient et de puissants capitaux commençaient à être engagés dans l’outillage. Voici comment Mirabeau, dans le dernier discours important prononcé par lui à la tribune de l’Assemblée, le 21 mars 1791, parlait des dépenses des entreprises minières : « Un exemple fera mieux connaître les dépenses énormes qu’exige la recherche des mines. Je citerai la Compagnie d’Anzin, près de Valenciennes. Elle obtint une concession, non pour exploiter une mine, mais pour la découvrir, lorsqu’aucun indice ne l’annonçait. Ce fut après vingt-deux ans de travaux qu’elle toucha la mine. Le premier filon était à trois cents pieds et n’était susceptible d’aucun produit. Pour y arriver, il avait fallu franchir un torrent intérieur qui couvrait tout l’espace dans l’étendue de plusieurs lieues. On touchait la mine avec une sonde et il fallait, non pas épuiser cette masse d’eau, ce qui était impossible, mais la traverser. Une machine immense fut construite, c’était un puits doublé de bois ; on s’en servit pour contenir les eaux et traverser l’étang. Ce boisage fut prolongé jusqu’à neuf cents pieds de profondeur. Il fallut bientôt d’autres puits du même genre et une foule d’autres machines. Chaque puits en bois, dans les mines d’Anzin de quatre cent soixante toises à plomb (car la mine a douze cents pieds de profondeur) coûte 400,000 livres. Il y en a vingt-cinq à Anzin et douze aux mines de Fresnes et de Vieux-Condé. Cet objet seul a coûté 15 millions. Il y a douze pompes à feu de 100,000 livres chacune. Les galeries et les autres machines ont coûté 8 millions ; on y emploie six cents chevaux, on y occupe quatre mille ouvriers. Les dépenses en indemnités accordées selon les règles que l’on suivait alors, en impositions et en pensions aux ouvriers malades, aux veuves, aux enfants des ouvriers vont à