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HISTOIRE SOCIALISTE

duction était immense. Le livre de M. Maurice Wahl sur les premières années de la Révolution à Lyon donne à cet égard les chiffres essentiels. « En 1685, sous Louis XIV, 18,000 métiers sont en activité. Là, comme ailleurs la Révocation jeta un désarroi profond ; mais la manufacture de Lyon se relève au xviiie siècle, grâce aux découvertes et aux améliorations ingénieuses qui renouvellent l’outillage en perfectionnant la fabrication, grâce aussi au progrès du luxe et à l’extension des modes françaises qui lui donne des clients dans toute l’Europe. Ottavio Mey invente le lustrage des soies, Vaucanson transforme les machines à tisser, Philippe de la Salle introduit dans le tissage des façonnés les dessins de fleurs et de fruits. En 1788, à la veille même de la Révolution, la « Grande fabrique » lyonnaise comprend les tirés, les velours de soie, les façonnés, les pleins, les gazes et les crêpes ; son matériel est de 14,177 métiers, son personnel de 58,500 ouvriers, ouvrières, aides et apprentis, les trois septièmes de la population. »

« Rien que pour les gazes et crêpes, il y a 2,700 métiers, conduits chacun par deux hommes et 10 maisons importantes faisant chacune de 600 à 800,000 francs d’affaires. Sur 10,000 à 12,000 balles de soie produites en France ou importées du Levant, de l’Italie et de l’Extrême-Orient, Lyon en absorbe régulièrement 8,000 à 9,000. La moitié des soieries lyonnaises s’écoule à Paris, le reste se partage à peu près également entre la province et l’étranger. À côté de la soierie proprement dite, 25 à 30 maisons, occupant 2,700 métiers et atteignant ensemble à un chiffre d’affaires de 20 millions, font la passementerie, le galon, le point d’Espagne, la dentelle d’or, le ruban ; 20 maisons dont les transactions montent à 10 millions ont pour spécialité le tirage d’or ; la broderie seule emploie 6,000 personnes. Près des industries de luxe, d’autres ont grandi dans le cours du xviiie siècle. La chapellerie, qui depuis la guerre d’Indépendance et le traité de commerce avec les États-Unis a des clients jusqu’en Amérique, fait travailler en ville 8,000 ouvriers et ouvrières, sans compter les ateliers des environs, à Mornand, Saint-Symphorien, Saint-Andéol. Il n’y a pas moins de 50 maisons de corroirie avec un maximum de 8 à 10 millions par an. L’imprimerie et la librairie lyonnaises, dont la réputation date de la Renaissance, font pour 2 millions d’affaires à l’étranger. »

Lyon n’est pas seulement une ville de production, c’est une ville d’entrepôt, et toutes les transactions donnent lieu à de vastes opérations de banque. Les grands négociants, munis « de lettres de banquiers » assurent le règlement des comptes entre la région lyonnaise et le monde entier. De puissantes fortunes se sont élevées, et plusieurs en une génération. Le premier des Tolozan, Antoine était un paysan dauphinois, arrivé à Lyon avec 24 sous en poche. Avant de mourir, il avait fait construire deux magnifiques hôtels.

Très riches sont les Régny, les Finquerlin, les Fulchiron, les Vaube-