Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/17

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les inconvénients qui en résultent immédiatement produisent encore l’effet d’empêcher les seigneurs de fiefs qui ne savent sur quoi compter de faire leur déclaration et d’acquitter leur contribution patriotique ; on désirerait beaucoup un décret qui pût rendre la tranquillité à ces provinces. Un gentilhomme de plus de quatre-vingts ans a été assailli dans son château par une troupe de paysans qui ont débuté par planter une potence au devant de la principale porte. Ce seigneur fut si saisi qu’il en mourut subitement. » Les administrateurs, très modérés, très bourgeois, du département du Lot poussent le cri d’alarme.

Ils écrivent de Cahors à l’Assemblée nationale, le 22 septembre 1790. « Messieurs, depuis plusieurs jours nos délibérations sont sans cesse interrompues par les nouvelles affligeantes qui nous arrivent des campagnes du département. Les craintes que nous avions conçues à l’approche de l’époque ordinaire de la perception des rentes n’étaient que trop fondées, et c’est en vain que nous avons fait des efforts pour prévenir les troubles que nous appréhendions.

« Jaloux de retenir dans le devoir le peuple des campagnes, nous avions essayé de lui faire entendre le langage de la raison et de la loi ; ce fut l’objet de notre proclamation du 30 août dernier. Accueillie avec reconnaissance par les bons citoyens, elle a été pour les hommes malintentionnés l’occasion des insinuations les plus perfides et des mouvements les plus inquiétants. Ici, les officiers municipaux n’osent lire cette proclamation ; là, ils ne peuvent en achever la lecture ; ailleurs ils ne peuvent la lire une seconde fois. Dans une municipalité, le curé, après l’avoir lue, est contraint par la violence d’articuler que la proclamation est fausse, qu’elle ne vient pas du Directoire ; dans d’autres, le peuple revient à la plantation des mais, à ce signe uniforme des insurrections qui désolèrent au commencement de l’année une partie du royaume ; dans plusieurs, des potences sont dressées pour ceux qui paieront les rentes et ceux qui les percevront. Les plus modérés se refusent au paiement jusqu’à ce qu’ils aient, disent-ils, vérifié les textes primordiaux ; nulle part les propriétaires de fiefs n’osent réclamer les redevances qui leur sont dues. Et ce n’est pas loin de nous. Messieurs, ce n’est pas loin de l’administration que sont excités tous les troubles. Aux portes de la ville où nous tenons nos séances, dans un village du canton de Cahors, il a été récemment planté une potence, il a été affiché des placards incendiaires. »

« Cette potence a été dressée, ces placards ont été affichés, ces mouvements d’insurrection ont existé un jour tout entier, sans que la municipalité du lieu s’en soit inquiétée. Nous en avons été instruits par une municipalité contiguë qui nous a demandé des secours, et les placards n’ont été enlevés, la potence n’a été abattue que lorsque le maire et le procureur de la commune se sont vus menacés et qu’ils ont appris l’approche des gardes nationales et des troupes de ligne qui, sur notre réquisition, marchaient avec le