Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/16

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grondait. Pour que l’Assemblée départementale où dominaient les influences bourgeoises entre dans cette voie, il faut qu’elle soit en effet vigoureusement poussée par les municipalités rurales et par les assemblées d’électeurs de campagne. Déjà, dans les cahiers de 1789, les vives réclamations des paysans avaient été atténuées par les bourgeois des villes. Il est probable de même, aujourd’hui, que les directoires bourgeois du département donnent la forme la plus modérée aux revendications énergiques qui se produisaient dans les municipalités de village.

Les administrateurs du district de Pau protestèrent dans le même sens à la date du 15 novembre 1790 : « La faculté de rachat accordée aux propriétaires de fiefs et fonds casuels est absolument illusoire par le taux excessif de rachat des droits casuels et éventuels qu’on est tenu de racheter conjointement avec les droits fixes ; qu’ainsi les traces du régime féodal deviennent ineffaçables ; que la Nation ne doit pas espérer de voir effectuer le rachat des droits dépendant des biens domaniaux et ecclésiastiques à sa disposition, de trouver dans les capitaux qui pourraient en provenir un secours pour la liquidation de la dette de l’État ; enfin qu’elle est grevée par l’excès des remboursements dont elle s’est chargée envers les ci-devant seigneurs par l’affranchissement des domaines nationaux qu’elle a mis en vente ; de sorte qu’il est aussi important pour la nation que pour les propriétaires de fiefs et fonds casuels que le taux de rachat des droits casuels et éventuels soit modéré. »

Les administrateurs de Pau essaient en cette question de lier l’intérêt de l’État à celui des censitaires. L’Église, dont la Révolution a saisi le domaine, ne possédait pas seulement des terres ; elle possédait aussi des droits féodaux : et ces droits, l’État ne peut les vendre parce que le taux de rachat est trop élevé. En outre, et inversement, des charges féodales pesaient sur les domaines d’Église. L’État ne peut mettre les domaines en vente sans les avoir dégagés de ces charges féodales : et il faut qu’il les rachète à très haut prix. Ainsi, de bien des côtés et sous bien des formes, des protestations s’élevaient. Mais les paysans ne se bornaient pas à protester : ils résistaient, au grand émoi des administrations révolutionnaires, souvent très modérées, et au grand scandale de la bourgeoisie.

Le 12 janvier 1791, le député du Périgord Loys rédige un mémoire sur les troubles du Périgord, Quercy et Boulogne.

« Tous les paysans refusent de payer les rentes, ils s’attroupent, ils font des coalitions, des délibérations portant qu’aucun ne payera de rentes et que si quelqu’un vient à en payer il sera pendu. Ils vont dans les maisons des seigneurs, des ecclésiastiques et d’autres personnes aisées ; ils y commettent des dégâts, se font rendre les parties de rentes que quelques-uns ont reçues d’abord, se font faire des reconnaissances et des engagements par ceux qui ont vendu le blé perçu ou qu’ils prétendent qui ont été payés de lods et ventes et autres droits qui ne leur étaient pas dus. Tous ces excès ou