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Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/337

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mentaire prévue par le décret du 30 mars en la prélevant non plus sur les revenus particuliers des biens séquestrés ou vendus, mais sur l’ensemble des ressources procurées par la vente. Aussi, dès ce moment, dut-il apparaître aux esprits clairvoyants que les biens des émigrés ne tarderaient pas à suivre aux mains de la Révolution les biens de l’Église.

Ce même jour du 30 mars où l’Assemblée législative préludait, par la mise en séquestre des biens des émigrés, à leur mise en vente, qui sera décidée le 10 août, revenait devant elle un débat qui passionnait bien des intérêts.

Il s’agissait de l’aliénation des forêts nationales. Depuis des mois la question était posée. Quand l’Assemblée avait dû aborder l’organisation du service des forêts, plusieurs députés avaient demandé qu’elles fussent vendues. Ils alléguaient que tout service public était onéreux, que les forêts, devenues propriétés particulières, seraient beaucoup mieux gérées, qu’elles rapportaient à peine un revenu net de 4 ou 5 millions, et, qu’au contraire, si elles étaient vendues à leur valeur, qui, selon les uns, dépassait 300 millions, selon d’autres, atteignait un milliard, l’État serait débarrassé d’une grande partie de la dette.

Ils prétendaient que laisser à l’État, c’est-à-dire à ceux qui pouvaient, en un jour de défaillance des esprits lassés, s’emparer de l’État, un domaine aussi vaste, une ressource aussi puissante, c’était constituer d’avance au despotisme une réserve financière près de laquelle la liste civile n’était rien. À ceux qui s’effrayaient, pour notre industrie, de la disparition ou de la diminution possible des forêts, ils répondaient que trop longtemps la France routinière n’avait compté que sur le bois pour ses usines à feu. L’heure était venue de suivre l’exemple de l’Angleterre, de fouiller profondément le sol et d’extraire le charbon de terre.

D’ailleurs aux particuliers qui achèteraient des parties de forêts, la loi pourrait faire l’obligation de garder certaines essences, de ménager certains arbres pour la marine. Toutes ces raisons étaient assez faibles. Mais la vérité est que les financiers de la Révolution commençaient à s’inquiéter de la dépréciation de l’assignat, et une vaste opération de ventes s’ajoutant soudain aux ventes en cours leur paraissait de nature à frapper les esprits d’étonnement, à manifester les ressources inépuisables de la Révolution, et à relever ou soutenir le crédit du papier révolutionnaire. Surtout la Gironde, déchaînant une grande guerre, voulait être assurée de pouvoir la porter sans fléchir, et elle cherchait de nouvelles ressources, de nouveaux appuis au crédit de l’assignat. Robespierre lui reprochait âprement de sacrifier ainsi à ses fantaisies belliqueuses le domaine national.

Les départements du Midi, qui possédaient peu de forêts, en acceptaient volontiers l’aliénation qui assurait aux rentiers et porteurs d’assignats des villes méridionales des garanties nouvelles. Au contraire, les représentants