Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/341

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ramène une partie des sommes que l’importation ces soieries, draperies et toiles en a tirées.

« La majeure partie de ces usines a une affectation emphytéotique dans les forêts nationales (c’est-à-dire des baux de 99 ans qui assurent du bois à des conditions déterminées) ; tous les entrepreneurs n’ont construit que dans l’assurance qu’ils auraient les bois à bas prix ; si la nation retire les forêts et les met en vente, outre qu’elle sera forcée d’indemniser les emphytéotes de la non-jouissance de leurs baux, ce qui égalera peut-être le prix de la vente des forêts, toutes les usines à défaut d’aliments ou forcées de les acheter au prix que les acquéreurs seront les maîtres de tenir le bois, tomberont d’elles-mêmes ; 10,000 ouvriers habitués dès l’enfance au travail de ces usines, resteront sans ressources, seront plongés dans l’extrême misère. »

De même, les citoyens d’Épinal, dans leur pétition, disent à l’Assemblée, le 30 mars :

« Bientôt aussi ces mêmes propriétaires de forêts accapareraient nos fabriques en forçant par les mêmes moyens ceux qui les auraient établies à les leur vendre ou céder au rabais ; ce qui finirait par mettre toutes nos fabriques dans les mêmes mains, et par rendre encore nos nouveaux forestiers maîtres du prix de toutes les fabrications du royaume, nouveau monopole, aussi redoutable, aussi cruel que celui de la matière même du bois. »

Devant cette opposition énergique et presque violente le projet d’aliénation fut ajourné et tomba. Mais quel frémissement de tous les intérêts ! Il n’y a pas une forme de la vie économique et sociale du pays qui ne soit mise en question.

En même temps que les paysans se défendaient contre l’aliénation des forêts de l’État, ils tentaient en bien des points de reprendre aux seigneurs le domaine communal usurpé par eux. Il ne leur suffisait pas de s’affranchir des redevances féodales et d’en demander ou d’en imposer la suppression gratuite. Ils se souvenaient du long travail de spoliation par lequel les seigneurs avaient saisi la terre, les bois, les prairies qui furent à tous. Et ils en exigeaient la restitution. Mais, comme nous l’avons vu dans les cahiers, aucune conception précise, aucune vue d’ensemble ne guidait les paysans dans la question des biens communaux. Les uns voulaient les maintenir en les complétant par les reprises exercées sur les seigneurs ; les autres voulaient procéder au partage. Duphénieux signale à l’Assemblée, le 5 février 1792, les agitations qui se produisent à cet effet dans le Lot :

« Je vous observerai encore, Messieurs, qu’il y a eu aussi dans ce département des insurrections qui ont eu pour objet le partage des biens communaux, lesquels sont très considérables et très mal administrés. L’Assemblée constituante avait annoncé qu’elle s’occuperait de régler ce partage. Plusieurs communes, impatientes de ne pas voir arriver le décret à cet égard, s’en sont occupées elles-mêmes et ont déjà divisé leurs biens. D’autres ont voulu les