Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/480

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faire dans l’intérieur de la France et qu’un camp de réserve fût évidemment nécessaire pour prévenir ou arrêter ces progrès, s’il existait un décret qui rendît infaillible et prompte la formation de ce camp ; si le roi rejetait ce décret et lui substituait un plan dont le succès fût incertain, et demandait pour sa création un temps si considérable que les ennemis auraient celui de le rendre impossible ; si le Corps législatif rendait des décrets de sûreté générale, que l’urgence du péril ne permît aucun délai, que cependant la sanction fût refusée ou différée pendant deux mois ; si le roi laissait le commandement de l’armée à un général intrigant, devenu suspect à la nation par les fautes les plus graves, les attentats les plus caractérisés à la Constitution ; si un autre général nourri loin de la corruption des cours et familier avec la victoire, demandait pour la gloire de nos armes un renfort qu’il serait facile de lui accorder ; si, par un refus, le roi lui disait clairement : « Je te défends de vaincre » ; si, mettant à profit cette funeste temporisation, tant d’incohérence dans notre marche politique ou plutôt, une si confiante persévérance dans la tyrannie, la ligue des tyrans portait des atteintes mortelles à la liberté, pourrait-on dire que le roi a fait la résistance constitutionnelle, qu’il a rempli pour la défense de l’État le vœu de la Constitution, qu’il a fait l’acte formel qu’elle lui prescrit ?

« Vous frémissez messieurs…

« Souffrez que je raisonne encore dans cette supposition douloureuse. J’ai exagéré plusieurs faits, j’en énoncerai même tout à l’heure qui, je l’espère, n’existeront jamais, pour ôter tout prétexte à des applications qui sont purement hypothétiques ; mais j’ai besoin d’un développement complet, pour montrer la vérité sans nuages. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

« Si tel était le résultat de la conduite dont je viens de tracer le tableau, que la France nageât dans le sang, que l’étranger dominât, que la Constitution fût ébranlée, que la contre-révolution fût là, et que le roi nous dise pour sa justification :

« Il est vrai que les ennemis qui déchirent la France prétendent n’agir que pour relever ma puissance qu’ils supposent anéantie ; venger ma dignité, qu’ils supposent flétrie ; me rendre mes droits royaux, qu’ils supposent compromis ou perdus ; mais j’ai prouvé que je n’étais pas leur complice, j’ai obéi à la Constitution qui m’ordonne de m’opposer par un acte formel à leurs entreprises puisque j’ai mis des armées en campagne. Il est vrai que ces armées étaient trop faibles, mais la Constitution ne désigne pas le degré de force que je devais leur donner ; il est vrai que je les ai rassemblées trop tard, mais la Constitution ne désigne pas le temps auquel je devais les rassembler ; il est vrai que des camps de réserve auraient pu les soutenir, mais la Constitution ne m’oblige pas à former des camps de réserve. Il est vrai que lorsque les généraux s’avançaient en vainqueurs sur le ter-