Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/506

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Le ministre de la guerre avait été nommé par le roi le 23 ; il avait choisi d’Abancourt ; il ne s’orientait donc pas vers la Gironde et la Révolution. Mais les Girondins, après avoir un moment conçu et pratiqué la politique de pénétration et de collaboration, avaient-ils perdu la force et le ressort nécessaires pour en vouloir résolument une autre ?

Duhem, revenant à la charge le 25, avec la véhémence que lui communiquaient ses commettants du Nord menacés par l’invasion, renouvelle contre le roi l’accusation de trahison, et dénonce la vanité du système girondin, en cette heure de crise totale qui voulait un renouvellement total.

« Tous ceux, dit-il, qui ont des correspondances assez suivies dans le département du Nord et sur toutes les autres frontières, sont entièrement convaincus et mettraient leur tête sur l’échafaud pour assurer que la Cour et le pouvoir exécutif nous trahissent. Or, non seulement on n’ose pas aller à la source du mal, mais encore on fait déclarer une espèce de système mitoyen, un système hermaphrodite, un système au moyen duquel on s’emparerait du pouvoir exécutif, sans cependant oser déclarer qu’on va le faire. Messieurs, nous ne pouvons point nous emparer du pouvoir exécutif ; on va vous dire que nous donnerons des pouvoirs aux généraux ; nous ne le pouvons pas. Il faut que le pouvoir exécutif les nomme, et si le chef du pouvoir exécutif nous trahit, il faut que nous ayons le courage de le dénoncer à la nation, et même de le punir…

« Mais il ne faut point que l’on vienne nous amuser avec des mesures partielles ; il ne faut pas que l’on s’empare indirectement du pouvoir… »

C’est pourtant à cette sorte de déchéance indirecte et voilée du pouvoir royal, remplacé en fait sinon en droit ou par le pouvoir de l’Assemblée ou par le pouvoir des ministres, que semblaient s’attacher les Girondins. Le même jour, 25 juillet, des citoyens de la section de la Croix-Rouge disaient à la barre :

« Législateurs, la patrie est en danger ; prenez une mesure simple, facile, qui peut être exécutée : déclarez la déchéance du pouvoir exécutif ; vous le pouvez, la Constitution en main. »

Et les tribunes acclamaient les pétitionnaires. La section de Mauconseil écrivait, le même jour, dans le même sens. La Gironde résistant encore, tenta une diversion suprême. Guadet proposa, au nom de la Commission des vingt-et-un un message au roi qui serait une suprême mise en demeure. La gauche accueillit d’abord par des rires ironiques ce nouveau moyen dilatoire ; mais Guadet, par quelques paroles âpres, ressaisit un moment les esprits : « La nation sait bien que le salut du roi tient au salut du peuple, et que le salut du peuple ne tient pas au salut du roi. » Et la conclusion du projet de message, c’était encore que le roi devait appeler des ministres patriotes.

« Vous pouvez encore sauver la patrie et votre couronne avec elle ; osez enfin le vouloir ; que le nom de vos ministres, que la vue des hommes qui