Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/507

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vous entourent appellent la confiance publique ! Que tout dans vos actions privées, dans l’énergie et l’activité de votre conseil, annonce que la nation, ses représentants et vous, vous n’avez qu’une seule volonté, qu’un seul désir, celui du salut public.

« La nation seule saura sans doute défendre et conserver sa liberté ; mais elle vous demande, Sire, une dernière fois, de vous unir à elle pour sauver la Constitution et le trône. »

C’était le suprême appel et le suprême délai. Brissot, après Guadet, intervint inutilement et pesamment. On dirait qu’ayant réussi à faire le premier ministère girondin, il ne sait plus que rêver un recommencement impossible de ce qui fut une transition vers la République et ne pouvait être le salut de la royauté. Dans ce dessein et comme pour incliner vers la Gironde l’esprit du roi, il exagéra les formules conservatrices. Il déclara que la déchéance, prononcée dans l’agitation des esprits, serait dangereuse, qu’elle aurait une apparence de passion et peut-être d’illégalité, qu’elle fournirait ainsi aux puissances coalisées un argument redoutable, aux malveillants et mécontents de France un prétexte à protestation.

Il ajouta que, d’autre part, l’appel au pays, par la convocation des assemblées primaires, serait dangereux ; car qui sait si dans le trouble universel ce n’est pas l’esprit d’aristocratie qui prévaudrait et si la Constitution nouvelle ne serait pas plus royaliste que celle qu’on voulait briser ? Enfin, il alla jusqu’à dire que tant que durerait la guerre il était impossible de toucher à la Constitution.

« Le feu est à la maison ; il faut d’abord l’éteindre, les débats politiques ne feront que l’augmenter. Encore une fois, point de succès dans la guerre si nous ne la faisons sous les drapeaux de la Constitution. »

Et il conclut en demandant « une adresse au peuple français pour le prémunir contre les mesures qui pourraient ruiner la cause de la liberté ». Il fut couvert d’applaudissements par la droite et le centre, et hué par les tribunes qui l’appelaient un nouveau Barnave. C’est un discours si impolitique, si étrange, qu’il est presque incompréhensible. Brissot ne pouvait désirer le statu quo, c’est-à-dire la royauté avec des ministres complices de sa trahison. Il désirait tout au moins, avec le maintien du pouvoir nominal du roi, des ministres hardiment et sincèrement patriotes. Or, quel moyen restait-il d’imposer au roi ces ministres patriotes ? Un seul, la peur. Il fallait donc lui montrer la déchéance inévitable s’il ne cédait pas. Et c’est ce qu’avait fait Vergniaud.

C’est ce que venait, dans son projet de message, de répéter Guadet. Brissot, au contraire, rassure le roi. Si la déchéance est périlleuse, si l’appel aux assemblées primaires est impossible, si tout changement à la Constitution est mortel tant que la guerre dure, le roi peut, sans danger pour sa couronne, continuer sa politique.