Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/529

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avait parlé de mettre à exécution la loi martiale. Il y avait dans la salle des délibérations des commissaires plusieurs drapeaux rouges dans les étuis. Le brave Lazowsky, depuis victime par les nouveaux brigands qui remplacèrent la Cour, et Chaumette découvrent parmi ces drapeaux le drapeau rouge. Ô ciel, s’écrient-ils, le voilà ; le voilà ! oui, le drapeau rouge ! Il est encore teint du sang des patriotes massacrés au Champ de Mars ! » Aussitôt toute l’Assemblée se lève et crie d’un mouvement unanime : « Ils seront vengés ! Périssent la loi martiale et ses auteurs ! »

« Les deux citoyens qui avaient découvert ce drapeau furent chargés de le porter au corps municipal, alors assemblé, et de le forcer à le porter autre part. En entrant dans la salle du corps municipal, les deux envoyés, poussés par un mouvement subit d’indignation, déchirèrent ce drapeau en s’écriant : « Tenez, le voici, c’est un parricide, qu’on le couse dans un sac et qu’il soit jeté à la rivière. »

« Ce corps municipal, composé en grande partie de contre-révolutionnaires, d’amis de Lafayette et surtout de la loi martiale ; ce corps municipal qui avait résisté audacieusement à la publicité des séances du Conseil général (de la Commune) et qui, contre le vœu des citoyens de Paris, avait eu l’imprudence de conserver dans le lieu de ses séances les bustes de Bailly, de Lafayette et de Louis XVI comme pierres d’attente à la contre-révolution, le corps municipal, dis-je, resta stupéfait et comme pétrifié. »

Ainsi, ces hommes, en leurs fureur et exaltation révolutionnaires, toujours prêts à donner leur vie pour la liberté, se sentaient comme emportés par leur sincérité même au-dessus de toutes les autorités légales, au-dessus de l’Assemblée législative, bavarde, mêlée et impuissante, au-dessus du corps municipal animé de l’esprit feuillant.

Et si, pour transmettre à la Législative leur volonté de déchéance royale, ils respectaient encore les formes légales et usaient de l’intermédiaire du maire Pétion, c’était dans le ferme dessein de ne point s’immobiliser en une légalité désormais suspecte, et de ne point se lier aux hésitations de Pétion lui-même.

Pétion déclara donc, au nom des sections frémissantes, que la commune de Paris venait dénoncer à l’Assemblée nationale le chef du pouvoir exécutif. Il rappela, « sans amertume et sans ménagements pusillanimes », les bienfaits de la nation envers Louis XVI, les ingratitudes et les fourberies de celui-ci. Il dénonça en une formule assez heureuse les directoires des départements qui se faisaient les complices de Louis XVI et qui « en déclamant contre les républicains, semblent vouloir organiser la France en république fédérative ».

Et se tournant vers les périls extérieurs : « Au dehors, dit-il, des armées ennemies menacent notre territoire. Deux despotes publient contre la nation française un manifeste aussi insolent qu’absurde. Des Français parricides,