Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/530

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conduits par les frères, les parents, les alliés du roi, se préparent à déchirer le sein de la patrie. »

Et c’est au nom de Louis XVI que la souveraineté nationale est impudemment outragée, c’est pour venger Louis XVI que l’exécrable maison d’Autriche ajoute un nouveau chapitre à l’histoire de ses cruautés… »

Il précise enfin les responsabilités personnelles et directes du roi. « Le chef du pouvoir exécutif est le premier anneau de la chaîne contre-révolutionnaire. Il semble participer aux complots de Pilnitz qu’il a fait connaître si tard. Son nom lutte désormais contre celui de la nation… Il a séparé ses intérêts de ceux de la nation. Nous les séparons comme lui… Tant que nous aurons un roi semblable, la liberté ne peut s’affermir, et nous voulons demeurer libres. Par un reste d’ indulgence nous aurions désiré pouvoir vous demander la suspension de Louis XVI tant qu’existera le danger de la patrie ; mais la Constitution s’y oppose… et nous demandons sa déchéance.

« Cette grande mesure étant prise, comme il est très douteux que la nation puisse avoir confiance en la dynastie actuelle, nous demandons que des ministres, solidairement responsables, nommés par l’Assemblée nationale mais hors de son sein, suivant la loi Constitutionnelle, nommés par le scrutin des hommes libres, à haute voix, exercent provisoirement le pouvoir exécutif en attendant que la volonté du peuple, notre souverain et le vôtre, soit légalement prononcée dans une Convention nationale, aussitôt que la sûreté de l’État pourra le permettre. »

« Cependant, que nos ennemis, quels qu’ils soient, se rangent tous au delà de nos frontières ; que des lâches et des parjures abandonnent le sol de la liberté ; que 300,000 esclaves s’avancent, ils trouveront devant eux dix millions d’hommes libres prêts à la mort comme à la victoire, combattant pour l’égalité, pour le sol paternel, pour leurs femmes, leurs enfants et leurs vieillards : que chacun de nous soit soldat à son tour, et s’il faut avoir l’honneur de mourir pour la patrie, qu’avant de rendre le dernier soupir, chacun de nous illustre sa mémoire par la mort d’un esclave ou d’un tyran. »

Curieux document et où se mêlent bien des influences diverses. On y démêle le brûlant patriotisme révolutionnaire des fédérés et des sections, l’idée de la constitution immédiate d’un pouvoir exécutif nouveau, chère à Danton, l’idée d’une Convention nationale, si fortement soutenue par Robespierre, et enfin les hésitations, les timidités de Pétion lui-même et d’une partie des Girondins, qui se marquent dans le passage singulier sur la suspension du roi.

Est-il donc si coupable, et n’est-il pas victime d’une fatalité déplorable qui fait de lui, malgré lui, le prétexte, le drapeau, le symbole de l’étranger, puisqu’aussitôt après la grande crise on songerait à le rétablir ? Mais cette velléité étrange et contradictoire disparaît dans ces deux affirmations décisives : Il faut prononcer la déchéance de Louis XVI, et appeler à la nation qui