Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/552

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Suisses, combinée avec la menace de manifeste de Brunswick, suscitaient les plus sinistres rumeurs. On racontait, au témoignage de Chaumette, que les plus cruelles inventions de la tyrannie devaient être réveillées contre les patriotes, que si le roi avait été vainqueur, ils auraient été immolés par milliers sur un échafaud pareil à celui que Louis XI machina, et que leurs fils, placés au-dessous, seraient couverts d’une rosée sanglante. À ceux qu’il soupçonnait d’avoir pris part contre lui à la bataille, au guet-apens du matin, le peuple donnait la chasse ; et Louis XVI, pendant toute la journée du 10, n’aurait pu, même sous escorte, même comme prisonnier, traverser Paris sans danger.

La Commune, tout le jour, et comme si une conspiration terrible était encore à craindre, continua à distribuer des cartouches. Mais peu à peu, à l’idée que bientôt le peuple, tout le peuple allait exercer sa souveraineté et nommer la grande Assemblée de combat et de salut, les colères tombaient ; et l’Assemblée législative expirante semblait participer en quelque mesure à la popularité de l’Assemblée nouvelle et inconnue qu’elle venait de promettre à la France.

Cette Convention, c’était, sans qu’on l’annonçât encore clairement, l’avènement de la République, c’était surtout l’avènement de la démocratie. Plus de cens, plus de privilège, plus de distinction injurieuse et bourgeoise entre les citoyens actifs et les citoyens passifs. Sur le rapport de Jean Debry, député de l’Aisne, au nom de la Commission des Douze, l’Assemblée vota sans débat, et dans la séance même du 10 août, que tous les citoyens de 25 ans seraient électeurs.

« L’Assemblée nationale, voulant au moment où elle vient de jurer solennellement la liberté et l’égalité, consacrer dans ce jour l’application d’un principe aussi sacré pour le peuple, décrète qu’à l’avenir, et spécialement pour la formation de la Convention nationale prochaine, tout citoyen français, âgé de vingt-cinq ans, domicilié depuis un an, et vivant du produit de son travail, sera admis à voter dans les assemblées des communes et dans les assemblées primaires comme tout autre citoyen actif et sans nulle autre distinction. »

Ainsi, le suffrage universel était fondé ; et ce n’était pas seulement pour la prochaine Convention nationale, mais pour toutes les manifestations de la vie nationale dans l’infini des temps. Et dès le 12 août, la Convention élargissait encore la base populaire, abaissant l’âge de l’électorat de 25 ans à 21 ans. Elle maintenait 25 ans pour l’éligibilité, mais elle effaçait pour l’éligibilité aussi bien que pour l’électorat, toute distinction entre les citoyens actifs et les citoyens passifs. Elle maintenait le système de l’élection à 2 degrés, par des assemblées primaires, mais plutôt à titre de conseil que sous une forme impérative ; et elle fixait au 26 août la nomination des Assemblées électorales, au 2 septembre la nomination des députés.