Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/83

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très nettement marqué son point de vue. Il affirme d’abord que les puissances voulaient la paix :

« Quiconque, dit-il, aux considérations générales, joint quelques connaissances des affaires dans ce temps et particulièrement ceux qui ont vu les dépêches diplomatiques, ne peuvent avoir aucun doute en ce point. Lorsque les affaires intérieures parurent pacifiées, les puissances se regardèrent comme déchargées d’un poids immense, n’ayant plus à soutenir à leur péril la cause d’un roi arrêté, emprisonné et détrôné ; les conventions qui parurent subsister entre elles, et particulièrement ce qui nous concernait dans le fameux traité de Pilnitz, n’avaient pour objet que le retour éventuel des mêmes événements ; à la vérité, la situation des choses et l’ordre nouveau ne leur paraissaient pas assez bien établis pour qu’elles se prononçassent à cet égard, mais toutes leurs vues hostiles étaient arrêtées, et elles attendaient de connaître la marche que prendraient nos affaires intérieures pour fixer définitivement leurs résolutions à notre égard. Quoique les émigrés défigurassent étrangement et la situation du royaume quant à l’ordre public, et les moyens de défense, leurs cris ne produisaient qu’un effet médiocre sur les cabinets qui, tout à fait indifférents aux intérêts de ces proscrits, ne mesuraient leur conduite que sur leur propre politique. »

Et Barnave, sous le titre : « Marche qu’il fallait suivre », précise la politique qu’évidemment il conseillait à la cour : « C’était donc la marche de nos affaires intérieures qui devait décider les résolutions des puissances et faire notre sort en tous sens. Il ne fallait pas une profonde politique pour concevoir ce que cette marche devait être ; elle était si claire que déjà elle se présentait à tous les esprits, si bientôt diverses causes ne se fussent réunies pour tromper et corrompre l’opinion publique.

« Il fallait donc :

« 1o Achever de rétablir l’ordre et de comprimer l’anarchie ; une législature qui l’aurait voulu fortement et qui eût su se faire respecter, l’eût effectué dans trois mois.

« 2o Fortifier les autorités nouvelles contre l’anarchie populaire, et établir entre elles la subordination et les rapports constitutionnels, qui seuls pouvaient leur donner une marche régulière ; cinq à six décrets d’une forte sévérité suffiraient pour cela.

« 3o Presser le recouvrement des impôts, afin de pourvoir aux besoins publics. La circulation des assignats, comme je l’ai dit, favorisait puissamment l’établissement du nouveau système d’impôts, et l’excellent ministre qui était alors à la tête de cette partie, l’eût mise promptement dans le meilleur état, pour peu qu’il eût été soutenu et favorisé.

4o Mettre la défense militaire sur un pied respectable sans être ruineux, et s’attacher surtout à rétablir la subordination qui depuis quelques mois avait fait de grands progrès dans l’armée ;