Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/114

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bliques qu’à la tête de la Commune de Paris, il tendait à dominer le Corps législatif ? Pourquoi ces essaims nombreux de commissaires de Paris exerçant dans les départements une domination sans bornes, et vantant surtout Robespierre ? Pourquoi les calomnies déjà semées partout contre la prochaine Convention, et ces affiches de Marat qui demande ouvertement un protecteur ? Était-ce donc pour un maître, ou pour la liberté, que les Marseillais avaient versé leur sang au Dix Août ? Était-ce pour l’égalité des droits entre les départements, ou pour un gouvernement municipal qui les soumettrait à Paris comme les provinces à Rome ? Ensuite, je traçai le caractère de Robespierre, avide de vengeances, de domination et de sang, et je prédis qu’il deviendrait le tyran de son pays, si la Convention n’avait le courage de le frapper. Sans doute ce discours fit impression, puisque, à l’instant, on résolut d’envoyer un bataillon pour garder la Convention nationale. Ce bataillon fut levé et partit peu de jours après les députés. »

Ainsi, presque au moment où Robespierre, à la Commune de Paris, calomniait odieusement la Gironde en affirmant qu’elle voulait élever au trône le duc de Brunswick, le jeune Barbaroux, forçant jusqu’à la calomnie les tendances des hommes et les possibilités des événements, accusait Robespierre de vouloir, par la Commune de Paris, fanatiser, asservir toute la France. Robespierre animait mensongèrement contre la Gironde les sombres défiances du patriotisme effrayé. La Gironde animait contre Robespierre la passion républicaine et la fierté des villes du Midi. Fraternel échange de calomnies atroces sous le grondement de l’invasion. Mais il est visible qu’à l’Assemblée électorale des Bouches du-Rhône il n’y a aucun parti-pris de secte, aucun esprit de faction. Les mêmes hommes, qui acclamaient, tout à l’heure, les massacres de septembre, s’indignent maintenant contre les prétentions dictatoriales de la Commune de Paris ; et ils s’en remettent à Barbaroux du soin de fixer leur sentiment sur Robespierre. Barbaroux abusa de leur bonne foi au profit de ses amitiés girondines. Il abusa aussi de leur confiance pour diriger les élections plus qu’il ne convenait à l’expression sincère et libre de la pensée populaire.

« Les élections étaient terminées. Pourquoi faut-il que nous ayons à nous reprocher, Rebecqui et moi, de les avoir influencées ? Mais on cabalait pour des êtres si méprisables, que nous crûmes devoir soutenir des candidatures qui nous paraissaient mieux valoir. »

Mais la démocratie marseillaise n’avait pas livré son âme à une faction. Barbaroux lui-même se hâte de dire :

« Excepté deux ou trois hommes dont la réputation n’avait pas besoin d’autre appui, nous nous trompions cruellement sur tous les autres. »

C’est dire que plusieurs passèrent vite à la Montagne. Ainsi le peuple révolutionnaire de Provence avait réservé sa liberté vivante pour le mouvement ultérieur de la Révolution.