Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/134

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tenu d’avoir une carte signée de sa section sur certificats de voisins ; il la portera toujours sur lui. Tous les corps de garde, piqueurs, patrouilles auront le droit d’arrêter tous les passants ; ceux qui ne présenteront pas leurs cartes seront arrêtés ; si c’est oubli, ils seront reconduits à leurs sections, qui les reconnaîtront. Les étrangers seront munis de leurs passe-ports, qui leur serviront de carte. Aussitôt qu’un citoyen porteur de carte réclamera pour lui ou pour ses propriétés du secours, tous seront tenus d’y voler, et la maison, la rue, le quartier, la section et toute la ville devront s’y rendre. »

C’eût été la Terreur girondine et l’affolement en permanence. Roland, le 10 septembre, répondit par une affiche aux attaques de Marat, une longue affiche sentimentale et diffuse toute pleine de l’éloge de soi. Et toujours la vision de l’assassinat :

« Je n’ai su que plusieurs jours après, que moi-même j’avais été désigné comme un perfide ; que le jour même du 2 septembre le Comité secret de la ville avait lancé contre moi un mandat d’arrêt. Était-ce pour me traduire à l’Abbaye et m’y faire élargir avec des scélérats ? Que des lâches ou des traîtres provoquent les assassins, je les attends ; je suis à ma place ; j’y fais mon devoir et je saurai mourir. »

Quelle emphase ! et quelle évocation mélodramatique des poignards à une heure où vraiment il n’y avait plus de danger ! Quelle disproportion entre les articles de Marat et tout cet appareil officiel de réfutation et de lamentation ministérielle ! Mais voilà, les journées de Septembre lancées officiellement dans la polémique, voilà le rôle de Marat artificiellement grossi : « l’ennemi de tous les bons citoyens, l’ami du désordre et du carnage » est dressé par la Gironde au-dessus de Paris, comme une monstrueuse idole qui veut du sang. Il faut donc tout d’abord abattre cette idole, et quand on aura concentré la politique sur Marat, quand il sera tombé sous l’exécration publique, qui ne voit que la Commune sur laquelle il eut tant d’action sera écrasée ? Qui ne voit que Robespierre, orateur de la Commune, sera atteint ? Qui ne voit que Danton, coupable d’avoir été ménagé par Marat, sera discrédité ? Et la Gironde concentrera tous les pouvoirs.

Que les patriotes ne craignent point qu’elle défende faiblement la liberté. N’est-ce pas sur l’initiative de Guadet que le 4 septembre tous les députés ont juré, comme citoyens et comme individus, de combattre de toutes leurs forces les rois et la royauté ? Ainsi, vigueur et mesure, ardeur révolutionnaire et humanité, dévouement à la patrie et maintien de l’ordre, amour du peuple et respect de la propriété, tout sera réuni dans le grand parti girondin devenu la Révolution elle-même. Et ils vont ainsi, bourdonnant toujours autour des plaies de septembre.

Un moment les Girondins purent croire qu’ils allaient faire casser l’élection de Marat. La plupart des candidats démocrates avaient déclaré à Paris qu’ils ne considéraient le choix fait par le corps électoral comme valable que