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Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/144

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Il écrit le 20 septembre :

« Mais ce n’est point là où se bornent leurs atrocités (des prétendus amis de la justice). Pour décrier la municipalité provisoire, peindre son comité de surveillance comme incapable, affranchir de toute entrave les machinateurs, ils ont soudoyé une troupe de brigands pour piller le garde-meuble et les maisons des meilleurs citoyens ; ils ont soutenu de fausses patrouilles ces scélérats en arrêtant les préposés de la police municipale ; ils ont répandu la terreur dans tous les cœurs en faisant annoncer le pillage du Mont-de-Piété, de l’Hôtel-de-Ville, de la mairie, de la Trésorerie nationale, et en faisant publier que sous quelques jours tout le peuple sera égorgé. Ce qui ne serait pas étonnant, vu le nombre immense d’aventuriers, de déserteurs, de gardes du corps, de malveillants dont les auberges près de Paris abondent. »

Il est évident que la Commune provisoire qui avait réussi, à travers la secousse de septembre, à se maintenir malgré le décret d’ailleurs remanié et affaibli de l’Assemblée et dont la Législative finissante allait remettre à la vigoureuse et jeune Convention le soin de régler la destinée, cherchait à ce moment à éviter toute apparence même de provocation au désordre. N’importe : la Gironde semait la terreur en dénonçant, derrière de médiocres et inévitables agitations, un plan qui se développait.

Il lui vint une bonne fortune : elle put accuser ses adversaires de préparer la loi agraire, et elle n’hésita pas à entrer dans le système dont se servait à ce moment la contre-révolution elle-même pour affoler le pays. Deux des envoyés du pouvoir exécutif, Dufour et Momoro, membres de la Commune, se livrèrent en Normandie à une propagande qui souleva contre eux tous les propriétaires, paysans et bourgeois. Ils prêchaient une Déclaration des Droits de l’homme, agrandie, complétée ; et ils y joignaient notamment ces deux articles :

« La nation ne reconnaît que les propriétés industrielles ; elle en assure la garantie et l’inviolabilité. — La nation assure également aux citoyens la garantie et l’inviolabilité de ce qu’on appelle faussement propriétés territoriales jusqu’au moment où elle aura établi des lois sur cet objet. »

Des hommes peu réfléchis ont dit : c’est du socialisme. Non, ce n’est pas du socialisme au sens moderne et vivant du mot. Le socialisme moderne est né surtout du développement industriel, de l’antagonisme tous les jours accru dans l’industrie entre capitalistes et prolétaires. C’est du cerveau des ouvriers industriels et en vue de l’organisation industrielle que le socialisme a jailli.

Et c’est par une extension inévitable, c’est en vertu de la solidarité de toutes les formes de la production dans une société donnée, que la propriété de la terre a été enveloppée dans le problème social. Au contraire, Momoro et Dufour ne contestent que la propriété de la terre : ils mettent hors de cause la propriété industrielle. Or, en un sens, on pourrait dire que bien loin d’al-